sábado, 5 de septiembre de 2015

Le secret de Marceline Desbordes-Valmore



LE SECRET DE MARCELINE DESBORDES-VALMORE

Par Manuel G. SESMA

Cette pauvre petite comédienne de Lyon... comment l´appelez-vous?..”
C´était un jour de l´an 1828. Lamartine s´entretenait avec M. de Latour de la littérature française contemporaine. Celui-ci amena dans la conversation quelques noms de femmes poètes: Madame Tastu, Delphine Gay, Elisa Mercoeur, la Princesse de Salm-Dyck, etc. Alors le grand poète s´écria: “Mais il y a bien autre chose au-dessus, bien au-dessus de tout cela! Cette pauvre petite comédienne de Lyon... comment l´appelez-vous? Mais oui – ajouta-t-il, retrouvant aussitôt le nom - : Marceline Desbordes-Valmore [1].
            Il n´est pas étonnant que Lamartine ne se soit pas bien rappelé à cette date le nom de Marceline, puisqu´il ne le connaissait encore que de loin et très peu. Pourtant, trois ans après, saisissant l´occasion d´une curieuse équivoque, à propos de l´insertion d´une ode de Mme Desbordes-Valmore dans le “Keepsake français” de Giraldon Bovinet [2], l´auteur des “Harmonies” adressa à l´auteur des “Pauvres fleurs” un poème enthousiaste et émouvant, pour rendre “un bien faible hommage, disait-il, à la femme dont l´admirable et touchant génie poétique m´a causé le plus d´émotion” [3].
            Et ce ne fut pas seulement Lamartine, mais Sainte-Beuve, Baudelaire, Verlaine et d´autres princes de la poésie et la critique, qui ont reconnu spontanément, unanimement, l´inspiration saisissante et souveraine de cette femme singulière.
Nonobstant, elle ne figure pas d´ordinaire dans les manuels de littérature française. Pourquoi? Parce que Marceline Desbordes n´était pas, en effet, une grande figure de poétesse, au point de vue de la technique littéraire. Elle ne dominait pas parfaitement l´art de faire des vers. Elle n´avait pas la maîtrise de la forme des Parnassiens, par exemple. Mais, en revanche, elle possédait mieux que nombre de poètes fameux, le don de faire vibrer les âmes et de frapper les coeurs, par l´expression des sentiments humains les plus exquis et les plus profonds.
C´est pour cela justement que, malgré le silence des manuels de littérature, cette pauvre petite comédienne de Lyon reste et restera toujours pour la postérité une des premières poétesses de France. C´est pourquoi, tandis que d´autres, littérateurs plus remarquables de son époque, sont tombés tout à fait dans l´oubli, le public continue à se passionner pour la vie et pour l´oeuvre de cette femme d´élite dont l´âme pure et belle était – comme Sainte-Beuve le remarquait – la poésie même [4].
            L´une et l´autre ont par surcroît un attrait excitant d´énigme, que l´on appelle le secret de Marceline Desbordes-Valmore.
Hâtons-nous de dire pourtant que ce secret ne l´est pas en réalité, ou plutôt qu´il est le secret de Polichinelle, puisque toute son oeuvre émouvante n´est qu´une révélation de celui-ci. D´autre part, ce secret a été à demi dévoilé par elle-même dans un quatrain touchant.
Toutefois il y a deux versions différentes de ce quatrain: l´une, celle qui court dans les divers recueils de poésies de Marceline Desbordes-Valmore; l´autre, celle qui resta ignorée longtemps dans l´original manuscrit de la poétesse et qui a été révélée aux débuts de siècle, par M. Jacques Boulenger dans son livre “Marceline Desbordes-Valmore, sa vie et son secret” [5].
Et bien, laquelle des deux versions est la plus acceptable?.. Laquelle est la plus exacte?..
D´abord, la plus sincère, la plus intime et personnelle est sans doute la dernière dont voici le texte:

“A qui me l´a demandé.”

Quoi! Vous voulez savoir le secret de mon sort,
Ce que j´en peux livrer ne vaut pas qu´on l´envie.
Mon secret c´est un nom; ma souffrance, la vie;
Mon effroi, la pensée et mon espoir, la Mort [6].

Mais son secret rien qu´un simple nom?..

Alors même en ignorant la vie de Marceline, il est facile de le deviner tout de suite. Le secret ne peut être que le nom d´un homme; plus spécifiquement, le nom d´un amant. Voilà. Les femmes n´ont généralement d´autres secrets. C´est peut-être pour cela qu´Oscar Wilde les a appelés “des sphinx sans secret...”
Et, en effet, le fameux secret de Marceline – ou du moins celui que ses biographes ont en vain essayé de surprendre et qu´elle-même insinua, mais laissa enfin inédit dans son manuscrit – n´est que le nom mystérieux d´un séducteur: un séducteur qui un jour s´empara complètement de son coeur de jeune fille, en y allumant un de ces violents et vastes incendies qui ne s´éteignent qu´avec la vie-même.
D´ailleurs, voici la trace de ce moment décisif dans ce mélancolique “Souvenir”:
Quand il pâlit un soir et que sa voix tremblante
S´éteignit tout à coup dans un mot commencé,
Quand ses yeux, soulevant leur paupière brûlante
Me blessèrent d´un mal dont je le crus blessé;
Quand ses traits plus touchants, éclairés d´une flamme
Qui ne s´éteint jamais,
S´imprimèrent vivants dans le fond de mon âme,
Il n´aimait pas, j´aimais.... [7]
A cette époque, Marceline Desbordes se trouvait dans la fleur de son âge: quelque vingt-deux ans environ. Elle était actrice et chanteuse depuis l´âge de treize ans. Elle vivait alors à Paris dans un milieu mondain et artistique: camarades de théâtre, peintres – amis de son oncle Constant Desbordes, chez qui elle était probablement logée – poètes, journalistes, etc., c´est-à-dire dans un milieu le moins propre à préserver la vertu d´une jeune fille; le plus propre aux badinages de l´Amour.
Pourtant elle n´avait pas un concept badin de celui-ci.

“On peut rire avec la Folie,

Mais il n´est prudent de rire avec l´Amour”


Dira-t-elle avant de se rendre à lui [8].
Dotée d´une nature tendre et droite et d´un tempérament ardent et passionné, elle ne concevait l´amour qu´à la façon féminine idéale, c´est-à-dire à la manière sérieuse et tranchante définie par Frédéric Nietzsche: “Complet abandon de corps et âme (non seulement dévouement), sans égards ni restrictions[9]. L´amour n´était donc pas pour elle un jeu, mais une religion, une véritable foi.
            Alors, elle rencontra un jour chez une de ses amies – Mlle Délia Amoureux, artiste de l´Odéon – un jeune homme charmant: beau garçon, poète, de conversation séduisante et doué d´une voix de sirène.
            “Ses traits, sa voix, ses voeux lui soumettaient mes voeux... [10]”, avouait-elle plus tard à l´une de ses soeurs.
Le jeune homme, en se rendant compte de l´attachement et du trouble de la jeune fille, commença le siège de la place. Avec passion feinte..? Avec passion réelle..? Du moins, elle la crut sincère.
Malgré tout, elle résista avec désespoir pendant quelque temps.

“Je voulais, mais en vain, par un effort suprême,
en me sauvant de toi, me sauver de moi-même” [11].

Pourtant l´inévitable arriva: la pauvre jeune fille capitula. Mais, bien entendu, elle capitula exclusivement devant l´Amour.

“Dieu! Comment se peut-il qu´une bouche si tendre
par un charme imposteur égare la vertu..?
Si ce n´est dans l´amour, où pouvait-il le prendre
Quand il disait: “Je t´aime, m´aimes-tu..?” [12]

Alors elle se donna à lui comme toutes les grandes amoureuses: toute, d´un seul coup et pour toujours.
Malheureusement pour elle, son galant n´était pas à la hauteur de son coeur. Chaque homme et chaque femme ont une capacité déterminée d´aimer. Celle de Marceline était incommensurable; celle de son amant, bornée. D´où le drame. Délaissée lâchement à vingt-quatre ans avec un enfant dans son sein, reprise trois ans après et délaissée à nouveau définitivement, cet amour émouvant et orageux ne fut pour la sensible jeune femme qu´un terrible calvaire. Au moment de la rupture dernière:

“Il est fini ce long supplice..!”
put-elle s´écrier avec raison, comme allégée d´une angoisse suprême [13].
Pourtant cet amour malheureux, à cause précisement de son malheur, remplit dorénavant sa vie et sa poésie, comme une obsession divine.

“Je l´ai promis, je vivrai pour ta gloire,

Cher objet de mon souvenir

Sois le charme de ma mémoire,
Et l´espoir de son avenir...” [14]
jurait-elle de tout son coeur, dans le moment même de la séparation.
Et, un peu plus tard, en fouillant les reliques de son amour, elle murmurait mélancoliquement:

“Je pardonne à votre inconstance

les maux qu´elle m´a fait souffrir;
leur excès m´en a su guérir:
c´est à votre abandon que je dois l´existence.
J´ai repris le serment d´être à vous pour toujours;
mais mon âme un instant fut unie à la vôtre,
et je le sens, jamais une autre
n´aura mes voeux, ne fera mes beaux jours...” [15]

Toutefois, deux années après, un autre homme, plus jeune qu´elle, eut ses voeux définitifs. La vie a des exigences impérieuses et se moque des serments les plus solennels.

C´était l´an 1817. Marceline venait de perdre son père, sa mère était déjà morte en 1801. En 1816, elle avait aussi perdu son enfant Marie-Eugène; et, en 1815, son amant l´avait quittée. C´est-à-dire, en trois années successives, trois cruels déchirements. Le malheur l´abattit. En outre, elle n´était plus une jeune fille. Elle avait trente et un ans. La solitude la plus affreuse la tourmentait. Alors un brave et beau camarade de théâtre, Prosper Valmore, avec qui elle jouait à Bruxelles, s´éprit de cette charmante et infortunée partenaire et demanda sa main. Elle l´épousa.
Bien entendu, Marceline – qui était une femme foncièrement pure et vertueuse – reconnaissante à cet homme qui l´avait aimée, relevée et soutenue dans la période la plus critique de sa vie, fut dorénavant auprès de lui un modèle d´épouse et de mère. L´un et l´autre menèrent, désormais ensemble, avec courage, une existence noble et digne, quoique toujours laborieuse et souvent difficile.
Mais malgré sa fidélité scrupuleuse à ses nouveaux serments, elle ne sut jamais bannir de son coeur tendre le souvenir et même le regret de son ancien et infidèle amant. Et à 71 ans, quand il était déjà mort probablement depuis longtemps, elle le rappelait encore de cette façon touchante:

“Votre nom seul suffira bien
pour me retenir asservie;
il est alentour de ma vie
roulé comme un ardent lien;
ce nom vous remplacera bien...” [16]

Alors, Marceline était déjà aux abords du sépulcre [17]. Et quoi! Mais n´avait-elle pas dit trente-cinq ans auparavant:

“Nom chéri! nom charmant! Oracle de mon sort!
Hélas! que tu me plais, que ta grâce me touche!
Tu m´annonças la vie, et, mêlé dans la mort,
Comme un dernier baiser tu fermeras ma bouche. [18]!

Eh bien, quel nom mystérieux est celui-ci? A qui correspond ce nom adoré...? Marceline ne l´a jamais révélé. Certes, elle le nomme dans ses poèmes “Olivier”.

“Olivier, je t´attends! déjà l´heure est sonnée;
je viens de tressaillir comme au bruit de tes pas;
le soleil qui s´éteint va clore la journée;
ici j´attends l´amour, et l´amour ne vient pas [19].”

Mais Olivier est un nom fictif, le nom véritable restant toujours une véritable énigme. Et c´est en vain que les biographes, les critiques et les admirateurs de la poétesse ont essayé à plusieurs reprises d´identifier Olivier. Ils n´ont pas encore réussi.
Il est vrai que ni Hippolyte Valmore, l´unique fils de Marceline qui lui survécut longtemps; ni Délia Amoureux, chez laquelle Marceline connut et s´éprit d´Olivier; ni ses autres amies intimes, Albertine Gantier et Pauline Duchambge, ne levèrent jamais tout à fait le voile du mystère. Quant à ses amis, ni Sainte-Beuve, ni Brizeux, ni Alexandre Dumas, ni Raspail, ni Revilliod n´ont fourni, eux non plus, de renseignements concluants. Sans doute ils ignoraient le secret.
Il y a pourtant une piste très intéressante, donnée par Marceline même. C´est la pièce “Un nom pour deux coeurs” qui parut dans “L´Opale” en 1834:

“Ton nom, partout ton nom console mon oreille.
Tu sais que dans mon coeur le ciel daigna l´écrire,
On ne peut m´appeler sans le jeter vers moi;
Chaque lettre en est mienne et me mêle avec toi.”

Mais cette piste, comme celles sur la condition de poète de son galant, sur sa voix prenante, etc., n´a fait qu´égarer ses biographes dans un dédale de conjectures.

Olivier était-il l´officier Jean Victor Fontanes, dit Saint-Marcellin?
Le comte de Marcellus, Louis-Marie-Auguste Demartin du Tyrac?
Le créole Dupuy des Islets?
L´ami de Talma, Louis-François-Hilarion Audibert?
Le docteur Jean-Louis Alibert?
Le chanteur italien Félix Blangini?
Le littérateur Hyacinthe-Joseph-Alexandre Thabaud de Latouche?
Personne n´a su encore l´identifier avec certitude. Les présomptions les plus fondées sont, certes, pour le dernier, appelé en littérature Henri de Latouche. D´abord, il avait plus de talent que tous les autres séducteurs qu´on lui oppose: c´était un jeune homme du même âge que Marceline – un an de plus -; il était journaliste, poète, romancier et auteur dramatique, avait une voix particulièrement séductrice et un de ses prénoms “Joseph” est contenu dans “Josephe”, l´un des prénoms de Marceline, sans compter, d´ailleurs,  nombre d´autres détails très significatifs et impressionnants [20].
Cependant, toutes ces fortes présomptions ne sont pas l´identification définitive, et M. Jacques Boulenger, qui défend la thèse de Latouche, conclut pourtant par cette formule: “Non, il n´est guère possible de douter que le jeune homme de Marceline ce ne soit lui.”
Il n´est guère possible..! C´est-à-dire, il est encore possible. Voilà. Eh bien, après tant de recherches et de discussions infructueuses, je me demande: mais ces messieurs érudits ne se sont-ils pas lamentablement dévoyés..?
A quoi bon tant d´inutiles tracasseries?
Est-ce que le vrai secret de la vie et de l´oeuvre de Marceline Desbordes seraient effectivement le nom et la personnalité de son séducteur?
Je n´y crois pas. Parce que voyons: qu´importe vraiment à ce sujet cette inconnue de feuilleton romantique...? Va, en réalité, pas grand´chose.
Mais depuis Pascal jusqu´à nos jours, il y a une tendance chez certains messieurs, amis de l´analyse étroite et du paradoxe choquant, d´attribuer de grands effets à de petites causes – oh! le calcul de Cromwell, le nez de Cléopâtre, etc. – et de vouloir expliquer l´ensemble, le tout complexe et parfois grandiose d´une vie ou d´un événement historique, par des détails insignifiants.
Mais cette interprétation mesquine ne correspond-elle pas peut-être à une vision myope et puérile de la vie et de l´histoire?
Examinons, par exemple, le cas présent.
Combien de jeunes filles sont, chaque jour, séduites et délaissées par leurs galants? Combien d´Elvires tombent toujours sous les griffes de Don Juan? Et bien, des personnalités et des oeuvres comme l´oeuvre et la personnalité de Marceline Desbordes-Valmore ne se présentent pourtant que de temps en temps.
Bien entendu, un amour malheureux peut inspirer à une femme ou à un homme supérieurs des strophes sublimes et touchantes, que cette femme s´appelle Marceline Desbordes ou cet homme Alfred de Musset. C´est un cas tellement répété dans l´histoire.
Mais il naïf, pour ne pas dire plus, de chercher le secret de leur vie et de leur oeuvre dans cette circonstance insignifiante; et moins encore dans l´influence des partenaires. Les noms de ces séducteurs et de ces séductrices, souvent vulgaires, demeurent souvent aussi dans l´obscurité et avec raison. N´ayant fait preuve que de totale incompréhension, ils ne méritaient pas, en effet, ces êtres obscurs, de passer à la postérité, à la queue brillante d´un grand astre.
Mais oui: les secrets de ces vies et de ces oeuvres, il faut les chercher ailleurs; il faut les chercher d´abord dans le tempérament et dans le talent de ces hommes. En fin de compte, chacun devient d´ordinaire ce qu´il est. Voilà le plus vrai des paradoxes.
Certes, les circonstances peuvent favoriser la révélation d´un génie ou l´ empêcher de se manifester. “Moi, a dit notre meilleur philosophe contemporain, José Ortega y Gasset, je suis moi et mes circonstances”. Sans doute. Mais les circonstances sont toujours une occasion et pas une cause. C´est toujours le moi le principe vital et opérant; les circonstances ne sont que le climat.
Voilà pourquoi j´estime bizarre et inutile de chercher le secret de Marceline Desbordes-Valmore ailleurs que chez elle-même.
Il y a à ce propos un détail autant curieux que frappant. Le fameux quatrain, cité ci-dessus, qui, d´après le manuscrit révélé par Boulenger, disait: “Mon secret est un nom”, Marceline vivant, ne fut jamais publié d´après cette version. Dans le recueil “Pauvres Fleurs” où le quatrain parut en 1839 pour la première fois, les deux derniers vers disaient:

“Mon secret est mon coeur, ma souffrance la vie,
mon effroi, l´avenir, si Dieu n´eût fait la mort.”

“Mon secret est mon coeur...” Ah! quelle révélation!
Voilà la version intime d´une amante, le secret personnel d´une jeune fille délaissée. C´est pourquoi il resta enfin inédit dans le manuscrit privé.
Mais le vrai secret, le grand secret de Marceline Desbordes-Valmore n´est autre que son coeur. Voilà la clef de sa vie, la source de sa poésie et le fondement de sa gloire et de sa grandeur.
A la même époque, un autre insigne amant trompé s´écriait douloureusement:

“Ami frappe ton coeur, c´est là qu´est le génie.”

Musset frappa son coeur et “Les Nuits” jaillirent, ce bréviaire des amants trahis. Marceline frappa le sien, et jaillirent ses élégies, ses romances, ses bouquets, ses prières, toute cette poésie humble et touchante, bréviaire des amantes délaissées.
Certes n´allez pas chercher chez Marceline l´art magnifique de Musset.

“Cette lyre inculte, incomplète...”

avouera-t-elle humblement à Lamartine [21].
Mais “qu´importe que Madame Valmore ne soit pas un poète selon l´art, si elle est la poésie et l´âme?”, répliquait le grand critique Sainte-Beuve [22]. Et il ajoutait encore: “Elle a chanté comme l´oiseau chante, comme la tourterelle gémit, sans autre science que l´émotion du coeur, sans autre moyen que la note naturelle. [23]
A elle mieux qu´à personne sont applicables les vers d´André Chénier:

“L´art des transports de l´âme est un faible interprète,
l´art ne fait que des vers, le coeur seul est poète [24].”

Ce que Marceline Desbordes-Valmore représente, en effet, dans la littérature française, c´est le triomphe du coeur féminin. Aucune de ses compatriotes, de Marie de France à Jeannette Delatang-Tardiff [25], n´a su trouver ses accents de lyrisme et d´émotion. Ah! c´est qu´aucune n´a su s´élever à la hauteur de son grand coeur.
Le coeur de Marceline Desbordes-Valmore..!
Anne de Noailles – la poétesse raffinée qui devait prendre quelques ans après la lyre amoureuse de Marceline – a chanté magnifiquement son “coeur innombrable”.
Coeur innombrable? Jolie métaphore! La pauvre petite comédienne de Lyon n´avait pas un coeur innombrable. Elle n´avait que son coeur simple de femme aimante. Mais oui: il valait en revanche par un nombre incommensurable de coeurs de femme.
En voulez-vous la preuve?
Lisez d´abord sa biographie. Apprenez sa pitié de fille, sa passion d´amante, son dévouement d´épouse, sa tendresse de mère, sa fidélité d´amie, son courage de citadine, sa charité de femme envers les pauvres et les malheureux, elle qui fut toujours malheureuse et pauvre!
Lisez ensuite ses oeuvres. Ecoutez une de ses poésies; plutôt qu´un chant ou une mélodie vous entendrez aussitôt des battements de coeur. Quelle que soit la personne à qui s´adresse, la situation ou le lieu où elle se trouve ou le sujet qu´elle chante, vous entendrez toujours la même note: la cordiale. C´est toujours le même chanteur: son coeur.
Voulez-vous vous émouvoir, par le souvenir de sa pauvre mère? Lisez les poèmes “Avant toi”, “La maison de ma mère”, “Le berceau d´Hélène” ou “Quand je pense à ma mère”.

“Ma mère est dans les cieux, les pauvres l´ont bénie:
Ma mère était partout la grâce et l´harmonie.
Jusque sur ses pieds blancs, sa chevelure d´or
Ruisselait comme l´eau, Dieu! j´en tressaille encor!
Et quand on disait d´elle: “Allons voir la Madonne”,
Un orgueil m´enlevait. Que le ciel me pardonne!
..........
Oui, vainement ma mère avait peur de l´enfer.
Ses doux yeux, ses yeux bleus, n´étaient qu´un ciel ouvert.
Oui, Rubens eût choisi sa beauté savoureuse
Pour montrer aux mortels la Vierge bienheureuse.
Sa belle ombre qui passe à travers tous mes jours,
Lorsque je vais tomber, me relève toujours.
Toujours entre le monde et ma tristesse amère,
Pour m´aider à monter je vois monter ma mère [26]”.

Voulez-vous connaître jusqu´où vont sa tendresse et sa fidélité amicales? Lisez ses élégies à Délie: “Le mal du pays”, “Les amitiés de jeunesse” ou “Albertine”, la pauvre Albertine Gantier, amie de l´enfance de Marceline et décédée prématurément à Bruxelles, en 1819.

“Je veux aller mourir aux lieux ou je suis née:
le tombeau d´Albertine est près de mon berceau;
je veux aller trouver son ombre abandonnée;
je veux un même lit près du même ruisseau.
..........
Ah! quand je descendrai rapide, palpitante,
L´invisible sentier qu´on ne remonte pas,
Reconnaîtrai-je enfin la seule âme constante
Qui m´aimait imparfaite et me grondait si bas? [27]
.........

Voulez-vous vous attendrir par les accents maternels les plus sublimes? Lisez: “A mon fils avant le collège”, “Au soleil”, “ L´oreiller d´une petite fille”, “Hippolyte”, “A mon enfant après l´avoir conduit au collège”, ou ces huit vers dédiés à Inès, sa plus jeune fille, emportée par la phtisie en 1846, âgée seulement de 21 ans.

“Je ne dis rien de toi, toi, la plus enfermée!
Toi, la plus douloureuse, et non la moins aimée.
Toi, rentrée en mon sein! Je ne dis rien de toi
Qui souffres, qui te plains et qui meurs avec moi.
Le sais-tu maintenant, ô jalouse adorée,

Ce que je te vouais de tendresse ignorée?

Connais-tu, maintenant, me l´ayant emporté,
Mon coeur qui bat si triste et pleure à ton côté”
.....
Enfin, voulez-vous admirer la citadine courageuse et fière? Voulez-vous entendre des cris d´indignation et pitié, comme on n´en avait plus entendu en France depuis Agrippa d´Aubigné? Lisez “Le Chant des bannis”, “Les séparés”, “Dans la rue”, toutes ces strophes magnifiques, inspirées des massacres et des déportations de 1834, au sujet de l´insurrection de Lyon, et qu´aucun journal de Paris n´osa imprimer alors, de peur de s´attirer la colère des ministres de Louis-Philippe.

“Nous n´avons plus d´argent pour enterrer nos morts.
Le prêtre est là, marquant le prix des funérailles
Et les corps étendus, troués par les mitrailles,
Attendent un linceul, une croix, un remords.
Le meurtre se fait roi. Le vainqueur siffle et passe.
Où va-t-il? Au trésor, toucher le prix du sang.
Il en a bien versé! mais sa main n´est pas lasse;
Elle a, sans le combattre, égorgé le passant.
Dieu l´a vu. Dieu cueillait comme des fleurs froissées
Les femmes, les enfants, qui s´envolaient aux cieux.
Les hommes... Les voilà dans le sang jusqu´aux yeux.
L´air n´a pu balayer tant d´âmes courroucées [28].”

Mais c´est surtout au sujet de l´amour que Marceline Desbordes-Valmore a atteint les cimes les plus hautes de l´inspiration. Elle l´a chanté avec une sincérité, avec une émotion et avec une puissance jamais égalées encore par aucune autre femme de France. Ah! elle l´avait aussi senti comme aucune autre femme de sa race.
Ma force c´est l´amour...”
disait-elle à Mme A. Dupin [29] en 1837. Oui, sa force de femme et sa force de poétesse. C´est pour cela qu´elle a excellé comme personne à exprimer toutes les nuances de cette passion: les joies et les tristesses, les espérances et les inquiétudes, les désirs et les rêves, les rancoeurs et les regrets, les indignations et les transports.
Voulez-vous une marque de sa tendresse? [30] Lisez “Une lettre de femme” où elle exprime la tristesse de la séparation de son amant, à la suite d´un voyage. Verlaine, après l´avoir citée dans une étude sur Marceline Desbordes-Valmore, ajouta pour tout commentaire: “Est-ce divin?”

“Tu t´en vas, tout s´en va! Tout se met en voyage,
                Lumière et fleurs:
Le bel été te suit, me laissant à l´orage,
                 Lourde de pleurs.
Mais si l´on ne vit plus que d´espoir et d´alarmes
                Cessant de voir
Partageons pour le mieux: moi je retiens les larmes,
                Garde l´espoir.
Non, je ne voudrais pas, tant je te suis unie,
                Te voir souffrir:
Souhaiter la douleur à sa moitié bénie,
                C´est se haïr [31].”

Voulez-vous entendre les accents du plus pur enthousiasme? Ecoutez “Le Présage” où sa naïve croyance aux pressentiments la transporte de joie, en lui donnant l´illusion du retour de son galant:

“Oui, je vais le revoir, je le sens, j´en suis sûre
Mon front brûle et rougit, un charme est dans mes pleurs.
Je veux parler, j´écoute et j´attends... doux augure!
L´air est chargé d´espoir... Il revient ... je le jure,
Car les frisson qu´il donne a fait fuir mes couleurs.
............
Saule ému, taisez-vous! Ruisseau, daignez-vous taire.
Ecoutez, calmez-vous, il ne tardera pas;
J´ai senti palpiter la terre
Comme au temps où mes pas me portaient sur ses pas.
Me voici sur la route, et j´ai fui ma fenêtre;
Trop de fleurs l´ombrageaient ... Quoi! c´est encore l´été?
Quoi! Les champs sont en fleurs? Le monde est habité?
Hier, c´est donc lui seul qui manquait à mon être?
Hier, pas un rayon n´éclairait mon ennui;
Dieu!... l´été, la lumière et le ciel, c´est donc lui...!
Oui, ma vie! Oui, tout rit à deux âmes fidèles:
Tu viens; l´été, l´amour, le ciel, tout est à moi!

Et je sens qu´il m´éclot des ailes

Pour m´élancer vers toi! [32]

Voulez-vous une preuve émouvante de sa fidélité sans espoir, de sa résignation et de sa mélancolie? Lisez “Le Retour aux champs”.
..............
“Me voici devant la chapelle
Où mon coeur sans détour jura ses premiers voeux.
Déjà mon coeur n´est plus heureux,
Mais à ses voeux trahis il est encore fidèle.
J´y vins offrir, l´autre printemps,
Une fraîche couronne, aujourd´hui desséchée.
Cette chapelle, hélas! dans les ronces cachées,
N´est-elle plus l´amour des simples habitants?
Seule j´y ferai ma prière.
Mon sort, je le sais trop, me défend d´espérer.

Eh bien! Sans espérance, à genoux sur la pierre

J´aurai du moins la douceur de pleurer [33].”
.....
Voulez-vous un exemple de l´abnégation la plus sublime? Lisez “Prière pour lui” où non seulement elle prie pour l´amant qui l´abandonne, mais aussi pour la femme même qui lui enlève son amour:

“Dieu! Créez à sa vie un objet plein de charmes,
une voix qui réponde aux secrets de sa voix!
Donnez-lui du bonheur, Dieu! Donnez-lui des larmes.
Du bonheur de le voir j´ai pleuré tant de fois!
J´ai pleuré: mais ma voix se tait devant la sienne;
Mais tout ce qu´il m´apprend, lui seul l´ignorera.
Il ne dira jamais: “Soyons heureux, sois mienne!”
L´aimera-t-elle assez celle qui l´entendra?
.........
Qu´il la trouve demain! Qu´il m´oublie et l´adore!
Demain: à mon courage il reste peu d´instants.
Pour une autre aujourd´hui je veux prier encore:
Mais... Dieu! vous savez tout: vous savez s´il est temps! [34].”
.........
Enfin, voulez-vous connaître la magnanimité de son âme? Lisez “Le Pardon” où, comme Christ sur le Calvaire, elle n´a que des mots de pardon et d´amour pour l´homme qui a crucifié son coeur.

“Je me meurs, je succombe au destin qui m´accable;
de ce dernier moment, veux-tu charmer l´horreur?
Viens encore une fois presser ta main coupable
                         Sur mon coeur.
Quant il aura cessé de brûler et d´attendre,
Tu ne sentiras pas de remords superflus;
Mais tu diras: “Ce coeur, qui pour moi fut si tendre,
                       N´aime plus!”
Vois l´Amour qui s´enfuit de mon âme blessée;
Contemple ton ouvrage et ne sens nul effroi:
La mort est dans mon sein... Pourtant je suis glacée
                     Moins que toi!
Prends ce coeur, prends ton bien. L´amante qui t´adore
N´eut jamais à t´offrir, hélas! un autre don;
Mais en le déchirant, tu peux y lire encore
                     Ton pardon [35].”

Pour démontrer notre thèse, on pourrait multiplier encore les citations de Marceline et même les comparer avec d´autres textes, empruntés à diverses poétesses françaises. Mais ce n´est pas la peine.
Jamais aucun poète ne fut plus naturel; aucun ne fut jamais moins artificiel. Personne n´a pu imiter ce charme” a conclu Baudelaire avec enthousiasme [36].
A mon avis, Marceline Desbordes-Valmore est l´amoureuse française la plus sincère, la plus tendre et la plus sublime du XIXè siècle. Je ne trouve qu´une autre femme, dans un autre ordre, à qui la comparer: Thérèse Martin, la petite fleur carmélitaine, auteur de ce poème d´amour en prose, intitulé “Histoire d´une âme”; celle-ci représentant l´amour divin; celle-là, l´amour humain. Certes, Marceline n´atteint pas les cimes de l´héroïsme ascétique de la Vierge de Lisieux, cette espèce de masochisme spirituel, emprunté et appris à son tour de ma compatriote, la Vierge d´Avila: “Seigneur, ou souffrir ou mourir!”. Pourtant Marceline Desbordes-Valmore supère toutes les deux religieuses en abnégation et désintéressement. Enfin de compte, les deux Vierges du Carmel comptaient toujours d´avance et avec certitude – la certitude d´une foi aveugle, bien entendu – sur la réciprocité et sur la récompense de leur amour. Voilà le secret du “chemin de perfection” et de la “petite voie de confiance et d´abandon”. Elles se donnaient comme des victimes à qui ne saurait jamais leur manquer. C´est un amour intéressé. Tandis que Marceline a pratiqué et chanté l´amour pour l´amour, en marge de toute récompense et de tout retour.

“Aime en vain: donne et pardonne
à qui ne t´a pas compris.

Souris à qui t´abandonne

Va, l´on n´aime qu´à ce prix [37].”

Après cela, demandera-t-on encore sur le secret de Marceline Desbordes-Valmore?
Un nom..?
Mais non: un coeur, le sien. Un coeur trempé par la douleur. Voilà.
Parce que Marceline Desbordes-Valmore, outre une grande amoureuse, fut une grande malheureuse.
C´est pourquoi Paul Verlaine n´a pas eu tort de l´inclure dans le nombre des poètes maudits. En effet, Marceline Desbordes, comme Verlaine lui-même, comme Rimbaud, comme Baudelaire, comme tant d´autres, depuis Villon jusqu´à Tristan Corbière, fut, elle aussi, un poète maudit. Mais, attention! Avec une différence très remarquable par comparaison avec ceux-là. Marceline a été un poète maudit exclusivement pour son destin malheureux, un destin qu´elle ne méritait pas; mais non pour son satanisme, pour la brillante immoralité de ses vers ou les dérèglements de sa vie privée. On aime Marceline en lisant ses poésies; on la plaint, on la vénère, en lisant sa biographie. La femme et l´oeuvre sont également aimables. Tandis que dans le cas de la plupart des poètes maudits, l´oeuvre est souvent admirable, mais l´homme...
Oui, la “pauvre petite comédienne de Lyon” fut bien frappée du Destin.
Frappée dans le foyer même paternel; un foyer pauvre, devenu vite misérable et pour cela sans doute désuni, que Marceline dut quitter de très bonne heure avec sa mère, pour tenter la fortune à la Guadeloupe. Mais, hélas! À la Guadeloupe, la mère trouva la mort; la fille, l´abandon.
Frappée dans sa arrière d´actrice, une carrière peu brillante qui, en échange, l´obligea depuis treize ans, à mener toujours une vie errante, laborieuse et souvent difficile. Certes, son mari, Prosper Valmore, était un brave homme, mais aussi un comédien médiocre. Marceline tenta de faire de lui un acteur célèbre, mais en vain. Donc, la carrière artistique du ménage ne réussit jamais, ne fut toujours qu´un pénible gagne-pain. Pour revenir d´une tournée lamentable en Italie, en 1838, il leur fallut accepter l´aide de Mlle Mars et même vendre une partie de leurs bagages..!
Frappée dans ses amours de jeunesse, dont elle n´a guère connu que les chagrins et les misères, la trahison et l´abandon. Enfin, frappée dans ses enfants, dont une fille Junie, est morte dans le berceau; un enfant, Marie-Eugène, à cinq ans, et deux autres filles, Inès et Ondine, furent enlevées par la phtisie, en pleine jeunesse.

Mon secret est mon coeur: ma souffrance, la vie.”

Oui, amour et douleur, voilà les deux mots qui résument sa vie et son oeuvre.
Comme elle disait dans le poème de remerciement à Lamartine:

“Car je suis une faible femme;
je n´ai su qu´aimer et souffrir;
ma pauvre lyre, c´est mon âme,
et toi seul découvres la flamme
d´une lampe qui va mourir... [38]

Amour et douleur! Voilà les deux muses de sa vie et de son oeuvre.
Dans le déclin de son existence, elle pouvait écrire, avec raison, à sa vieille amie Pauline Duchambge: “Le plus beau vers de Lamartine, le sais-tu?
Rien ne reste de nous, sinon d´avoir aimé!”
Nous pouvons dire par là: sinon d´avoir pleuré [39].
C´est pourquoi le ton général de la poésie de Marceline est mélancolique. Mais oui: cette mélancolie n´est pas précisément une prose littéraire, comme chez le Vicomte de Chateaubriand, chez Lamartine même et chez la plupart des romantiques.
C´était un état sincère de son âme. Elle avait tellement souffert! C´était le lot de son coeur.
Chamfort dit à Sieyès sur le lit de mort:

“Ah! mon ami, je m´en vais de ce monde,
Où il faut que le coeur se brise ou se bronze.”

Le coeur de la pauvre Marceline était trop sensible pour se bronzer. Donc il se brisa.
Mais, c´est précisément de ce déchirement que jaillit la poésie de Marceline. Comme Lamartine disait à la “pauvre petite comédienne de Lyon”, dans le poème qu´il lui dédia en 1831:

“Ainsi le coeur n´a de murmures
que brisé sous les pieds du sort.
L´âme chante dans les tortures,
Et chacune de ses blessures
Lui donne un plus sublime accord...”

Détail curieux! Marceline commença à écrire justement en guise de traitement médical, pour se délivrer des idées, qui l´harcelaient et attaquaient sa santé, à la suite de l´abandon de son amant. Dans une note à Sainte-Beuve, elle disait:

Je fus forcée de les écrire pour me délivrer de ce frappement fiévreux, et l´on me dit que c´était une élégie. Monsieur Alibert, qui soignait ma santé devenue fort frêle, me conseilla d´écrire, comme un moyen de guérison, n´en connaissant point d´autre [40].”

C´est pourquoi dans une élégie, elle disait à son amie Délie:

“Faites grâce, du moins à l´innocent délire
qui m´apprend, sans effort, à moduler des vers.
Seule, je suis pourtant moins seule avec ma lyre.
Quelqu´un m´entend, me plaint dans l´univers...”

Amour et douleur! Voilà enfin le vrai secret de Marceline Desbordes-Valmore. De cette pauvre petite, mais sublime femme, dont le dernier souhait fut que son nom humble et immortel servît de baume et de consolation aux coeurs blessés de ses frères, les malheureux:

“Que mon nom ne soit rien qu´une ombre douce et vaine;
qu´il ne cause jamais ni l´effroi ni la peine;
qu´un indigent l´emporte après m´avoir parlé
et le garde longtemps dans son coeur consolé [41].”

Belle âme que cette âme de colombe de la pauvre petite comédienne!
A l´entrée de la crypte du Panthéon des Grands Hommes de la France, la troisième République a déposé dans un reliquaire de porphyre rouge le coeur du grand tribun Léon Gambetta. Si, un jour, on érige à Paris le Panthéon des Grandes Femmes de France, on devra y consacrer, au plus grand motif, un coeur symbolique à la poétesse de plus grand coeur du Parnasse français: Marceline Debordes-Valmore.




[1] Ste. Beuve. Nouv. Lundis, XII, 243, art. Du 5-5-1869.
[2] Marceline avait publié en 1831, dans le “Mercure du XIX siècle” une ode dédiée à M. A. de L. Les initiales désignaient Aimé de Loy qui avait fait paraître en 1827 le recueil: “Préludes poétiques”. La pièce de Marceline fut inserte en 1831 dans le “Keepsake français” qui éditait Giraldon-Bovinet, mais cette fois avec le titre inexact de: “A l´auteur des Harmonies”, l´éditeur ne pensant pas sans doute que les initiales A. de L. pussent désigner une autre poète qu´Alphonse de Lamartine. Celui-ci accusa tout de suite l´allusion et dédia à Marceline un chant admirable.
[3] Lettre du 25 janvier 1831.
[4] Causeries du Lundi, XIV, 404, Art. Sur les “Poésies inédites de Mme. Desbordes-Valmore (1860).
[5] Chez Plon, 1926. Mais l´ouvrage avait paru d´abord chez Fayard, en 1909, sous le tire: “Marceline Desbordes-Valmore d´après les papiers inédits.”
[6] Marceline Desbordes-Valmore, p. 7.
[7] Elégies et poésies nouvelles, Paris, Ladvocat, 1825.
[8] Elégie “A Délie”, Elégies, Marie et Romances, Paris, 1819.
[9] Le Gai Savoir.
[10] Elégie “A ma soeur”.
[11] La promenade d´automne. Poésies de Marceline Desbordes-Valmore, Paris, François-Luis, 1820.
[12] Elégie “L´Inconstance”. Elégies, Marie et Romances, Paris, François-Luis, 1819.
[13] Elégie “La Séparation”. Elégies, Marie et Romances, 1819.
[14] Elégie “Le Ruban”. Elégies, Marie et Romances, 1819.
[15] “Mais vous qui connaissez mon âme toujours pure”, pouvait-elle dire avec raison à son amie Délie Amoureux.
[16] “Allez en paix”, oeuvres posthumes, Génève, Jules Fick, 1860.
[17] Marceline est morte à 73 ans, le 23 juillet 1859.
[18]Elégie”. Poésies de Marceline Desbordes-Valmore, Paris, Théophile Grandin, 1822.
[19]L´attente”. Publié en 1815 dans “l´Almanach des Muses” sous le titre “Le Rendez-vous” et en 1816 dans la “Guirlande des Dames” avec le titre “l´Absence au Rendez-vous.”
[20] Par exemple:
a)     Des poésies très significatives, en prenant comme leitmotif une pensée de Latouche. Telles “Je ne crois plus”, “Nacelle abandonnée...”, et même celle que Marceline dédia expressément à Lamartine: “Triste et morne sur le rivage...”
b)     B) Des allusions nostalgiques aux lieux d´Italie où Latouche voyagea, après la première rupture de Marceline, et où elle voyagea aussi avec son mari en 1838:
c)      “Rome où ses jeunes pas ont erré, belle Rome...”
d)     “Bouquets et prières”, page 141.
e)       C) Et enfin la lettre touchante que Marceline adressa à Ste. Beuve, lors du décès de Latouche en 1851. D´autre part, Latouche publia en 1823 une oeuvre sous ce titre: “Olivier Burusson”, et la même année, Marceline Desbordes-Valmore reproduisit dans “La Guirlande des Dames” la romance “Olivier, je t´attends! Déjà l´heure est sonnée...”, que nous avons cité ci-dessus.
[21] “A Monsieur Alphonse de Lamartine”, Les Pleurs, 1833.
[22] Prt. Cont. II, 109-110; article du 1-8-1833.
[23] Introduction au recueil “Poésies de Madame Desbordes-Valmore”. Paris, Charpentier, 1842.
[24] Elégies, I, 23.
[25] Prix Mallarmé, 1942.
[26] “Quand je pense à ma mère”. Oeuvres posthumes, Genève, 1860.
[27] “Le mal du pays”. Les Pleurs, poésies nouvelles, Paris, Charpentier, 1833.
[28] “Dans la rue”. Par un jour funèbre à Lyon. Publié la première fois par Ste. Beuve dans le troisième  de ses articles sur la Vie et la Correspondance de Marceline. N. L. XIII, 193-194.
[29] “Départ de Lyon”. Bouquets et Prières, 1843. Paris, Dumont.
[30] Les poètes maudits, page 61.
[32] Oeuvres posthumes, 1860.
[33] Dans l´almanach des Muses de 1816. Poésies de Marceline Desbordes-Valmore, Paris, Boulland, 1831.
[34] Poésie de Marceline Desbordes-Valmore, Paris, Boulland, 1830.
[35] Elégies, Marie et Romances, Paris, François-Louis, 1819.
[36] L´Art Romantique.
[37] “A Pauline Duchambge qui voulait quitter le monde”. Pauvres fleurs, 1839, Paris, Dumont. Pauline Duchambge était la fille du général De Monthet. Elle épousa un officier, aide de camp de son père, le baron Désiré Duchambge d´Elbecq; mais ce mariage ne réussit pas. Les époux se séparèrent. Alors Pauline, qui avait un talent de musicienne et qui mit notamment en musique de nombreuses romances de Marceline, s´éprit du compositeur Aubert. Il finit par la quitter, mais elle demeura fidèle à son souvenir. Elle perdit sa fortune et vécut dès lors pauvrement. La pièce de Marceline fait sans doute allusion aux amours malheureuses de Pauline et d´Aubert.
[38] Les Pleurs, Paris, Charpentier, 1833.
[39] “Lettres de Marceline Desbordes-Valmore”... II, 313. Lettre du 11 mai 1857.
[40] Portraits contemporains, 11, 100-101. Article du 1-8-1833.
[41] Poésies de Marceline Desbordes-Valmore. Anthologie publiée par Lucien Descaves. 

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