Poemas en francés


Anexo VIII: Textos en verso de Manuel García Sesma
Tesis doctoral: La langue de l´exil de Manuel García Sesma
Universidad de Valladolid, Febrero, 2018.
Jesús Bozal Alfaro 


TEXTOS EN VERSO
De Manuel García Sesma

Indice

Neige, Saint-Maurice d´Ibie, 27 Décembre 1940.

Propheties de monsieur la palisse. Quand nous ne serons plus ici, Saint-Maurice d´Ibie, 28/04/1942


Diptyque (Vendange, La Danse de Salomé), A Marie Antoinette Proby, Saint-Maurice d´Ibie, 19/09/1942.


Etrenne, À Gaby Chamay, Les Salelles, 31/12/1942
Répons pour “Misères”, Aux Salelles, le 3 janvier 1943, A Emile G. Et Ildefonso Martínez Hierro.

Felicitation, A Emile Grillon, Les Salelles, 04/01/1943.

Chanson pour Colette, A Colette Valette, Les Salelles, 08/01/1943.

Horoscope d´Annick Michel, À Madame et Messieurs Roger et Alfred Michel, à l´occasion de la naissance de leur fille et petite fille Annick., Hennebont, 20/07/1943.

Pourboire galant, A Mademoiselle Marcelle Sturny, Bernay (Eure), 23/09/1943.

Souvenir d´exil, Madame Cabrol et ses enfants, Bouelles (Seine Inférieure), 10/1271942


Pluie, A Mademoiselle Paulette Guichard, Bouelles, le 30 Novembre 1943.

Deux madrigaux (Madrigal Espagnol, Madrigal Français), À Jeannette y Marguerite Maslard, Saint-Cyr-en-Bourg, le 24 février 1944.

En robe de première communion, À Lucette Denis et sa famille, Saint-Cyr-en-Bourg, le 4 juin 1944.

Madrigaux, A Mademoiselle Simone Dézé, Saint-Cyr en Bourg, 25/05/1944, I Allumette, II Comptabilité, III Peur (Saumoussay, 01/08/1944), IV Jalousie (Saumoussay, 01/08/1944), V Affolement (Saint-Cyr-en-Bourg, 15/08/1944),  VI Blasphème (Saint-Cyr-en-Bourg, 18/08/1944),

Confidentiellement, A Mademoiselle Simone Dezé, Candes-Saint-Martin, le 30 juillet 1944.
Réflexion à mi-voix, Saint-Cyr-en-Bourg, le 2 Août 1944.

Madrigal rouennais, I À Mademoiselle Anita Rodríguez, Rouen, 01/01/1946. Quatre cadeaux, II A Mademoiselle Jacqueline Lapique, Bernay, le 21 avril 1943. III A Antoñita Recio. IV A Trinidad Recio. V À Caroline Dézé, Saumur, 18/12/1945. VI À Yvonne Dumoulin, Saint-Cyr-en-Bourg, juillet 1944.

Épithalame, À Mr. Yves-Sébastien Cordoliani et Mlle. Christine Bourdin, à l´occasion de leur mariage à Paris, le 23/12/1976.


*********

NEIGE

Saint-Maurice d´Ibie, 27 Décembre 1940

(Écrite à Saint-Maurice d´Ibie, à l´occasion de la chute de neige pendant le Noël 1940)

Il neige, il neige, il neige
Sur les champs de l´Ardèche...

Et c´est le blanc paysage
comme une bacchanale de colombes amantes...
comme un galop joyeux de nues jeunes filles...
comme un enivrement de belles odalisques...
comme une silencieuse pyrotechnie d´étoiles...
comme une artillerie parfumée de pétales...
comme un dévoilement de charmeuses fiancées...
comme une griserie de nymphes et de perles...

Il neige, il neige, il neige
Sur les champs de l´Ardèche...

Blancheur,
Candeur
sur les toits enfumés du village...
sur les pieds endormis des montagnes...
sur la croix de la petite église...
sur les bras du Soldat Héroïque...
sur la barbe fleurie des vieillards...
sur les verts chaperons des enfants...
et sur l´âme ancestrale et tranquille
du petit Saint-Maurice d´Ibie...

Il neige, il neige, il neige
Sur les champs de l´Ardèche...

Et il y a dans l´air
rumeur de baisers,
éclat de soupirs,
tremblement de seins,
effeuillaison de lis,
salutation des ailes.

Il neige, il neige, il neige
Sur les champs de l´Ardèche...

Blancheur,
Candeur
sur les yeux dolomie du soleil,
au soleil de tes yeux d´édelweis...
au calice des nards,
sur tes seins de diamant...
sur la gorge des mouettes...
sur ton cou de chevrette...
sur les flots de la mer...
sous tes lèvres de miel...
sur la plante des arbres
et sur les pieds de marbre...


Il neige....

         Il neige...

                            Il neige...

.........................

Sur mes yeux las, tes lèvres....

Et au fond de mon coeur,
une flamme, un poème,
un rubis, une fleur...


PROPHETIES DE MONSIEUR LA PALISSE


Saint-Maurice d´Ibie, 28/04/1942

Quand nous ne serons plus ici

Quand nous ne serons plus ici,
Mesdames, Mademoiselles, Messieurs...,
quand le Groupe enfin disparaîtra
et chacun chez lui retournera...
quand le présent tragique
ne sera plus pour vous français
et pour nous – étrangers
qu´un lointain et mauvais souvenir,
Saint Maurice d´Ibie et les Salelles
seront plongés à nouveau dans l´ennui,
dans le calme et dans la monotonie
des villages de tous les pays...

On ne s´entendra plus
sous les toits et dans les rues,
l´espagnol et le turc,
l´allemand et le russe,
le grec et l´arménien
et l´argot épatant de Masip Benavent.

Cette humble commune ardéchoise,
devenue un moment internationale
par un caprice bizarre du hasard,
redeviendra exclusivement française
dans tous les aspects de son existence.

Aucun habitant de Saint Maurice d´Ibie
ne pourra plus se vanter
comme Monsieur Louis Arsac,
d´avoir été le Maire en même temps:
de madrilènes et de varsoviens,
de berlinois et d´athéniens,
de vienois et des St. Mauriçois.

Aucun Secrétaire de la Commune
N´aura plus à se tracasser la tête
Comme Monsieur Vidal,
Avec les Kassapian, les Lafuente, et les Pannel,
Les Stassoff, les Larsen, les Klajman
Et d´autres noms barbares.

Quand nous ne serons plus ici...
Mlle Juliette
Ne parlera plus un jargon
Extrêmement catalan
Que les clients de son père
Lui ont appris en badinant.

Mr. Sesma n´aura plus à suer
Comme un forcené
Pour demander par téléphone
Le seize à Villeneuve de Berg.

En touchant le prix d´un quinquina,
Mlle. Dedé ne dira plus:
“Motchas grasias”
et le petit Minique n´affolera plus
ses parents religieux
en lui entendant s´écrier: “Me cagüen Deu...!”

Quand nous ne serons plus ici...
Les jeunes filles des environs
Ne viendront plus à St. Maurice
Pour admirer la barbe ronde de Mr. Schatzberger
Et le moustache à la Landru du grec Deptsis
Le petit Galé
Ne fera plus d´échappeés nocturnes
Jusqu´à “La villedieu et St. Germain,
Comme les chats en zèle,
Au mois de Février.

Certaines mesdames mûres et coquettes
Ne se farderont plus comme des vedettes.

Mr. Vidal ne fera plus des erreurs à la machine
Pour penser à une nymphe rougeâtre
Du Folies Bergères...
De la Commune...

Messieurs Doz et García Ramón
Ne s´égareront plus les dimanches au soir,
Dans les forêts de Gras,
Et enfin, quelques tendres et innocentes gosses
Ne songeront plus à Madrid ou à Barcelone.

Quand nous ne serons plus ici...
Mr Pallard ne pêchera plus
Dans les eaux de l´Ibie...
Ni Mr. Bernard,
Dans les liqueurs de Chez Ozil.
Mr Piatti ne chassera plus des lapins
Dans l´assiette,
Ni Mr Grillon des chicharras,
Aux Salelles.

Quand nous ne serons plus ici...
Mr l´Adjoint ne dira plus aux secrétaires:
“Débrouillez-vous Messieurs
en leur proposant de bizarres questions
qui rendraient sot ou fou le Sage Salomon.

Mr Montes n´aura plus à dompter
Mademoiselle “Toutoune” et les gueulards du choeur.

Mr. Diez ne fera plus des situations,
en fredonnant avec gaîté un tango.

Mr. Mateu ne sera plus poursuivi
par la meute enragée des fumeurs,
comme un pauvre lièvre
par les chiens et les chasseurs.

Et Mr. le professeur surstratosphérique,
dans les domaines toujours de la Métaphysique,
ne s´adressera plus au contrôleur des viandes,
en pensant à Aristote, à Plotin ou à Lalande.

Quand nous ne serons plus ici...
Mr. Reynaud se rappelera de Vignau
Et Mr. Alphone Arsac, de Carbonell Brufau.
Personne ne visitera plus la ferme Chabal
ni cherchera l´amitié du vieux père Martin
comme celle d´un riche Maradhja.

Chez Mme. Brun la balance et le tiroir
ne fonctionneront plus aussi souvent.
et dans les trois cafés maintenant si joyeux,
on ne fera la noce que deux fois chaque année.

Quand nous ne serons plus ici...
Mr. François comme sa mère.
Mme. Alonso et peut-être d´autres poules
parleront l´espagnol comme des andalouses
et Paulette Arsac
déjà une belle blonde,
sera la tentation de tous les hommes.

Quand nous ne serons plus ici...
Mesdames, Mademoiselles, Messieurs,
comme la terre est ronde et fait beaucoup de tours,
nous serons à nouveau maîtres chez nous.
Peut-être on en reparlera comme autrefois
et par nos ennemis, bien sûr, très mal...
Mais alors vous direz à nos détracteurs:
“Ces diables d´espagnols... Oh! Là là!
Mais oui, Messieurs,
nous les avons traités pendant deux ans
et croyez-nous pardi
ils ne se conduisaient pas en bandits.
Certes, ils ne partageaient pas nos idéals;
mais c´étaient de braves gens et des gens braves.



DIPTYQUE


A Marie Antoinette Proby
Saint-Maurice d´Ibie, 19/09/1942
I

VENDANGE

On ne vendange pas impunément avec une jolie femme
On coupe des raisins
et on risque de se couper le coeur...
La vendange est une tâche d´amoureux
C´est le culte de Bacchus et de Venus...
C´est un chant de passion et de plaisir...
La vigne est une image de la femme...
Et l´endroit le plus propice aux idylles touchantes...
Le Cantique des Cantiques – l´unique poème
d´amour inspiré par la Divinité – compare
les gràces de la Sulamite à celles de la
vigne et donne un rendez-vous au bien-aimé
entre la pompe luxuriante des raisins...
“Que tu es belle, que tu es charmante
o mon amour, source de délices!
Ta taille est souple comme un palmier
Et tes seins ressemblent à des grappes.
J´ai dit: “je veux monter à la cime de ce
Palmier...
J´en saisirai les rameaux.
Que tes seins soient pour moi comme les grappes
De la vigne
Et ton haleine comme la fleur parfumée des pommiers!
Que ta bouche me verse un vin généreux...
Viens, o mon bien-aimé. Sortons dans les champs
Passons la nuit dans les hameaux.
Nous irons dès le matin dans les vergers,
Pour voir si la vigne montre se bourgeons,
Si les ceps s´épanouissent,
Et si les grenadiers se couvrent de fleurs.
C´est là que je te prodiguerai mes caresses...”

C´est ainsi que chantait le sage Salomon.

Une fois...

J´ai vendangé avec une jeune fille...
Et elle était jolie comme la Sulamite...
Et elle était énivrante comme le vin...
Et ses yeux étaient doux comme de raisins...
Ses bras étaient déliés comme des pampres...
Et ses seins étaient serrés comme des grappes...
Sa peau avait la couleur du chasselas...
Et ses baisers, la saveur du malaga...

C´était enfin cette frêle jeune fille
l´image la plus troublante de la vigne...
Alors je vendangeais voluptueusement celle-ci,
comme si je caressais tendrement celle-là...
Et je la caressais effectivement...
Je la caressais aussi invisiblement...
Nous vendangions ensemble, tous les deux,
nous courbant fréquemment sur le même cep,
dépouillant à la fois le même serment.
Nos mains se rencontraient parfois fortuitement.
Nos visages, aussi.
Alors, j´étais obligé de déployer les efforts
de volonté les plus intenses, pour ne pas
extérioriser mes caresses cachées...
Mais je ne pouvais pas m´empêcher de les
lui prodiguer...
Elle était tellement adorable...!

Hélas! on ne vendange pas impunément avec
une jolie femme.
Alors que je coupais le dernier raisin,
je me fis une coupure à un doigt.
Tout de suite je versai sur elle une goutte
d´éther,
et la petite plaie cicatrisa le lendemain.
Cependant, je ressentis plus tard dans mon coeur
une autre petite coupure mystérieuse,
mais celle-ci tarda plus à se fermer,
faute de doux regards de la vendangeuse.

II

LA DANSE DE SALOMÉ

Saint-Maurice d´Ibie, 20/09/1942

On ne danse pas impunément
avec une jolie femme...
Ses jambes perdent le rythme
et la tête, l´équilibre...
La danse est le plus violent aprohidisiaque
et le plus dangereux des exercices...
La danse allume les sens
et obscurcit l´intelligence...
La danse soulève les passions
et apaise les remords...
La danse accélère le sang
et ralentit la conscience...
La danse attise les désirs
et éteint la lueur de l´esprit...
Rien de plus bouleversant
que de danser avec une jolie femme...
La danse est un rite sexuel
et comme la liturgie de la concupiscence:
on y offre les corps dans l´autel
du Désir et de la Jouissance...
Danser c´est convoiter et c´est prendre...
Danser c´est embrasser et c´est étreindre...
La danse est un symbole de la copulation...
La danse est une demi-possession...

Rien de plus dangereux et mortifère
que le corps d´une danseuse jeune et belle...
Ses regards sont des éclairs,
et comment éviter d´être aveuglé?
Et ses seins sont des poignards,
et comment esquiver leurs bouts perçants...?
Son haleine est un brasier
et comment empêcher l´étouffement...?
Le corps vibrant d´une belle qui danse
est comme une fine glaive de combat:
elle brille, menace, trouble et tranche...

Qui ne connaît pas le cas de Salomé?
Le roi Hérode Antipas donnait un festin.
C´était pour l´anniversaire de sa naissance.
Et y assistaient les chefs de son armée
et tous ses courtisans
Et les notables de Galilée
Et les dames principales.
La fille d´Hérodias étant entrée, dansa.
Et elle enthousiasma les assistants.
Alors Hérode promit à Salomé:
-“Demande-moi tout ce que tu voudras.
Je te le donnerai
Quand ce serait la moitié de mes Etats...
Salomé, prévenue par Hérodias,
répondit par la suite:
-“Je veux que tu me donnes à l´instant
la tête du Baptiste.”
Celui-ci gisait dans un cachot.
On le décapita aussitôt.
Et Salomé reçut ensuite sur un plat
la tête saignante de Saint Jean.
Ainsi le conte l´Evangile de Marck
:::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::
Une fois une tendre fillette
Me pria de l´apprendre à danser.
Elle avait une jolie silhouette
et j´acceptai sur le champ enchanté.
C´était une poupée très gracieuse
et en avait le charme fascinant;
mais hélas! elle était aussi dangereuse
que Salomé, la fille d´Hérodias...

Ses yeux couleur noisette étaient deux jets de miel; sa bouche mignonette, la source des baisers. Ses bras menus d´albâtre étaient deux beaux serpents; et ses seins de diamant, deux pigeons amants.
Aux soirs, dans une salle, au son de la radio, je l´apprenais la valse, le fox et le tango. Son corps gracile et tiède enveloppait le mien, comme le lierre enlace le tronc d´un magnolier. Parfois sa chevelure enchainait mes cheveux et alors je sentais qu´elle attachait mon coeur. D´autres fois ses deux seins picotaient ma poitrine et perforaient ma chair comme deux javelines. Son haleine brulante incendiait tout mon sang, comme la tramontane allume un bois flambant. Et quand je l´embrassai, tandis que nous dansions, mes désirs rugissaient comme de fiers lions...

Hélas! on ne danse pas impunément
avec une jolie femme...
Au bout de quelques jours, elle apprit à danser
Devinez-vous pourtant quelle fut ma récompense...?
On demanda ma tête sur le plat de Salomé...



ETRENNE

A Gaby Chamay
Les Salelles, 31/12/1942

Un an de plus éteint les amours tièdes:
mais emflamme les chaudes davantage.
Je te chérirai donc l´année prochaine
beaucoup plus que pendant l´année qui passe...

Aux Salelles, le 31 decembre 1942



RÉPONS POUR “MISÈRES” [1]


Aux Salelles, le 3 janvier 1943

A Emile G. et Ildefonso Martínez Hierro

Jefe Español del GTE 160

Ah! “Misères”, “Misères”,
ma pauvre bête!
Tu n´as pas eu de la chance
sur cette terre.
On t´a appelé “Misères”
non sans raison.
Tu as vécu dans des temps
de restrictions.
Au lieu de glands, châtaignes,
maïs et seigle,
tu as pris des écorçages
et des pastèques.
Et hélas! faute même
de celles-ci,
il a fallu avec toi
trop tôt finir.
Mais n´est-il pas préférable,
pauvre “Misères”,
de crever tout d´un coup
que de disette?
Regarde notre maigreur
squélethique.
Ne vaut-il pas mieux mourir...?
A quoi bon vivre...?
Si tu apprenais comment
Monsieur Grillon
a regretté et pleuré
ton triste sort.
Et combien de personnes
qui ne t´ont pas connu,
aujourd´hui se disaient
tes grands amis...
Donc, console-toi, “Misères”.
Pourquoi pleurer?
D´autres te suivront tôt
par ce chemin.
Il y a trop de porcs
qui avalent tout
et ne donnent aux autres
que du dégoût...
Console-toi, “Misères”,
mon pauvre ami:
nous t´aimons davantage
que dans ta vie.
“Misères” misérable,
pauvre cochon:
“Requiesce in pace. Amen.
Kyrie eleison...”


FELICITATION

A Emile Grillon
Les Salelles, 04/01/1943

Il ne vaut pas la peine d´accumuler des ans
car la vie n´étant pleine, le temps n´a pas de sens.
Ainsi je vous souhaite dans cet anniversaire
d´autres trente et sept ans, pleins de triomphes et fièvres.

Aux Salelles, le 4 janvier 1943. Minuit.


CHANSON POUR COLETTE


A Colette Valette
Les Salelles, 08/01/1943

Maintenant
que tu n´as
que quatre ans,
tu es un papillon
de soie, de rose et d´or
ravissant.
Pour cela
tout le monde
t´adore...

Alors que tu en auras
quatre par quatre
tu seras la vierge
la plus tendre et belle
de ton âge.
Pour cela
t´aimeront
tous les garçons...

Quand enfin tu en auras
quatre par seize
alors tu deviendras
une grand-maman
douce, propre et frêle,
et tu diras à ta petite-fille,
embrassant ses deux joues poupines:

“Quand j´étais comme toi,
un exilé espagnol
me chantait tendrement
cette jolie chanson:

Maintenant
que tu n´as
que quatre ans,
tu es un papillon
de soie, de rose et d´or
ravissant.
Pour cela
tout le monde
t´adore.

Alors que tu en auras
quatre par quatre
tu seras la vierge
la plus tendre et belle
de ton âge.
Pour cela
t´aimeront
tous les garçons...”

Et de son air saisissant
de rêveur,
on me caressait doucement
comme une fleur...



HOROSCOPE D´ANNICK MICHEL

À Madame et Messieurs Roger et Alfred Michel, à l´occasion de la naissance de leur fille et petite fille Annick.
Hennebont, 20/07/1943

Annick,
Poupon
Joli,
Bouton
De rose.
Veux-tu savoir ton horoscope... ?
Le voici.

Anne signifie grâce.
Ton prénom donc nous révèle
Que tu seras une femme,
Très jolie et spirituelle…

Tu es née un premier de mois.
Ce détail dit sans conteste
Que dans la vie tu seras,
Toujours figure première.

Tu viens sous Cancer et Mars.
De très mauvais signes, certes.
Mais pour cela tu seras
Femme de grand caractère…

Tes grands-parents sont des maîtres
Et ton berceau est une école
Tu seras aussi lettrée
Que Pic de la Mirandole…

La lune était décroissante
Quand tu es venue. Mauvais signe… ?
Au contraire. Beau présage.
C´est la fin d´un monde indigne.

Tu es né près de Blavet
dans la ville d´Hennebont.
Tu seras fidèle et brave
Comme Jeanne de Monfort.

Tu viens au mois de Juillet
Le plus libéral de l´an.
Tu aimeras la Liberté
Comme Madame Roland…

Tu es arrivée en été.
Tu seras donc très ardente.
Tu brûleras à qui t´aime
La tête, les sens et l´âme…

Quand ton papa aura fini
La carrière médicale,
Tu lui feras une riche
Clientèle de cardiaque…

Tu viens sous Pierre Laval.
Ma foi, augure funeste.
Mais non ; car tu viens, je crois,
Assister à ses obsèques…

Annick,
Poupon
Joli,
Bouton
de soie :
Veux-tu savoir ton avenir… ?
Le voilà.

Envoi

Messieurs, Dames, chers amis
Si mon horoscope échoue,
Tant pis,
En tout cas, ce sont les vœux
Les plus fervents, je l´avoue
De mon cœur…



POURBOIRE GALANT

A Mademoiselle Marcelle Sturny
Bernay (Eure), 23/09/1943

La blonde, blonde, blondine
Du bar de Lemarié
Rend les jeunes hommes ivres
Du nectar de sa beauté

Pour remplacer les liqueurs
Dont les restrictions nous privent,
Nul succédané meilleur
Que son charme irresistible

Désirez-vous du vin rouge
Des marques les plus célèbres ?
Ses lèvres en sont la coupe
La plus mignonne et sensuelle.

Pour savourer du muscat
Ou de la bénédictine,
Il suffit un seul regard
Des yeux doux de la blondine

Si vous voulez du champagne
Etincelant comme l´or,
Aspirez l´aphrodisiaque
De ses brillants cheveux blonds.

Pour éveiller l´appétit
Et soulever tous les sens,
Nul meilleur apéritif
Que son corps ensorcelant.

Je donnerais les liqueurs
De tous les débits du monde
Pour un baiser amoureux
Des lèvres de cette blonde.

La blonde, blonde, blondine
Du bar de Lemarié
Est la blonde la plus fine
De la ville de Bernay.



SOUVENIR D´EXIL

A Madame Cabrol et ses enfants

Bouelles (Seine Inférieure), 10/12/ 1942

Maneval,
vallée des morts,
sépulcre des espagnols
autrefois.

Dans ton sein froid et sec
nos sinistres baraques
avaient l´air désolé
de pourris sarcophages.

Et nos tristes silhouettes
erraient par ton vallon,
comme aux cimetières
les fantômes des morts.

Dans ton paysage noir,
rien que deux notes belles:
les larmes d´un torrent
et les fleurs d´une ferme.

C´était un petit torrent.
Il s´appelait Gardon.
Et trois lis fleurissants:
les enfants de Cabrol.

Leur pitié et tendresse
parfumait notre exil,
comme les chrysanthèmes
la tombe d´un ami.

Maneval,
vallée des morts,
sépulcre des espagnols
autrefois.

Que t´en reste aujourd´hui...?
Les larmes du Gardon,
les enfants de Cabrol
et notre souvenir.

PLUIE

A Mademoiselle Paulette Guichard

Bouelles, le 30 Novembre 1943

Il pleuvait, il pleuvait continuellement, ennuyeusement, implacablement.

Depuis trois jours, il ne cessait pas de pleuvoir.
En Normandie il pleut très fréquemment.
La Normandie est une pleureuse.
Le ciel normand est un lacrymatoire
Pendant cette pleine lune de Novembre, le lacrymatoire s´était cassé et les larmes ne cessaient pas de se répandre sur le paysage…
C´était désespérant
et monotone,
et triste
Comme le ciel normand
Un ciel d´acier
Plutôt, de plomb
Et comme celui-ci, pesant et gris
Il pesait sur mon cœur, comme une dalle sépulcrale.
Je me trouvais justement enterré
Enterré vif
A Bouelles
Dans un pauvre logis
Chez de pauvres paysans
C´était un dimanche.
Dans la cuisine de mes humbles hôtes, il y avait un petit oiseau, enfermé
dans une cage misérable.
Il était mon image.
Comme lui, je ne faisais que voltiger étourdiment entre les murs de ma prison.
A chaque moment, je regardais à travers les vitres des croisées pour scruter le ciel. Mais le ciel continuait toujours fermé.
Et hostile.
Et noirâtre.

Il pleuvait, il pleuvait continuellement, ennuyeusement, implacablement.

Pour ne pas me laisser abattre tout à fait par le cafard, je pris en main un livre infantile
C´était de Paulette
Paulette était la fille de mes patrons
Et le livre était une édition illustrée des fables de La Fontaine
Je l´ouvris.
Le Loup et l´Agneau
«La raison du plus fort est toujours la meilleure… »
La meilleure… ?
Fameux moraliste!
Non ; la plus forte.
Plutôt, l´anti-raison.
C´est-à-dire, la force.
Mais y n´y a-t-il pas moyen d´empêcher que le loup continue toujours à manger tranquillement l´agneau… ?
La Fontaine ne pensa pas à cela.
Il n´était pas un révolutionnaire.
Il était un conservateur.
Mais oui : un conservateur de l´ordre établi.
Et l´ordre établi par le loup est que les loups mangent tranquillement les agneaux.
N´est-ce pas ?
Le Corbeau et le Renard
…. Mon bon Monsieur
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l´écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute
Sans doute.
La Fontaine le savait par expérience.
Pourtant… comment pourraient se remonter quelques ballons humains prétentieux, mais creux, si ce n´était par l´encens des flagorneurs… ?
Le Heron
« Ne soyons pas si difficiles.
Les plus accommodants ce sont les plus habiles… »
Les plus habiles… ?
Peut-être.
Et assurément les plus indignes.
Mais … qui sait si La Fontaine n´a pas tort ! Au bout de compte, la dignité
à quoi sert-elle… ?
Très souvent, à rien de positif.
Soyez toujours une bonne digne et vous finirez comme le héron.
Avalant des limaçons…
Si j´avais su être accommodant, me trouverais-je à Bouelles en ce moment ?
Menerais-je cette existence misérable… ?
Mais non. J´aurais toujours le ventre rassasié et traînerais une jolie livrée.
Avec des flèches et un jour comme emblème[2].
Le joug des taureaux domestiques.
Le joug des bœufs gras, cornus et castrés…
Mais je n´ai pas tempérament de bœuf…
Tandis que je m´abîmais dans ce genre de réflexions, la pluie continuait à faufiler de ses aiguilles le lourd manteau de la mélancolie.

Il pleuvait, il pleuvait continuellement, ennuyeusement, implacablement.

Je laissai de côté La Fontaine.
La philosophie de viveur sans scrupules, au lieu de me distraire, m´avait irrité.
Le cafard continuait à graviter sur moi,
J´avais une humeur de tous les diables.
Enfin, aux débuts de l´après-midi, la pluie s´arrêta.
C´était une trève.
Rien qu´une petite trève.
Je la saisis pour me promener un moment en compagnie de Paulette.
La tendre fillette était l´unique amie que j´avais dans l´endroit et elle aimait beaucoup que je l´emmenasse avec moi les dimanches.
Je pris un chapeau marron et une pèlerine bleue de réfugié.
Elle noua à son cou un mouchoir rouge coquelicot et se coiffa d´un béret de la même couleur.
Nous sortîmes à la route de Beauvais. Le ciel était un nimbus immense, gros de pluie ?
Mais oui, il allait encore pleuvoir.
Et bientôt.
Pourtant nous continuâmes, notre promenade.
La route goudronnée et détrempée luisait comme un ruban de satin noir.
Par le chemin, je questionnai à Paulette sur ses leçons écolières.
Elle me parla de Pierre l´Ermite, des ports français de la Méditerranée et des propriétés de l´oxygène.
A l´entrée de Saint Saire, la pluie recommença. Nous nous réfugiâmes dans un café.
Il se nommait le Café du Progrès.
Le Progrès… ? – commençai-je à réfléchir accoudé sur une table. Joli sarcasme… !
Est-ce que l´homme a réellement a progressé depuis la période des cavernes… ? Alors il luttait contre les animaux à coups de bâton.
À présent, il lutte contre ses semblables à coups de canon.
Voilà le progrès…
Le café était vide.
La petite fille avait les mains gourdes.
Je lui prêtai mes gants en laine.
Nous attendîmes un bon moment que la pluie cessât.
Mais en vain.

Il pleuvait, il pleuvait continuellement, ennuyeusement, implacablement.

Alors, nous se trouvait un petit dieppois.
Un pauvre réfugié.
Comme moi.
Il nous avait rejoint par la route et je lui avais invité à prendre un café pour se réchauffer.
Quand la pluie diminua, nous quittâmes le débit.
Et je pris les deux gosses sous les plis de ma pèlerine.
De cette guise, nous retournâmes à Bouelles par la route de Senarpont.
Les pauvres enfants se pelotonnaient contre moi comme deux poussins.
Des bandes de corbeaux becquetaient sur les herbages.
La pluie commença à augmenter.
Les gouttes d´eau perçaient l´horizon, comme une nuée de flèches.
Et sur l´ardoise des toits de Mesle-Hadeng, elles griffonnaient illisiblement des strophes de tristesse.
Quand nous rentrâmes à la maison, la pluie continuait encore.

Il pleuvait, il pleuvait continuellement, ennuyeusement, implacablement.

J´avais la tête lourde, l´humeur noire, les nerfs cassés.
Avec la tombée du soir, la chanson monotone de la pluie devint déchirante comme une mélopée de Semaine Sainte.
Et toutes les ombres de la nuit commencèrent à assombrir mon esprit.
Le sentiment de mon isolement, de ma détresse, de mon exil, de toute l´obscure tragédie de ma vie se fit plus vif et aigu que jamais.
J´étais en proie à la plus grave crise de mélancolie.
Pourtant, à la veillée, la petite fille eut le caprice, oh inconscience de l´enfance !, que je finisse de lui apprendre une chanson à la mode que j´avais commencé à lui enseigner un autre soir.
Pour ne pas lui causer du chagrin, quoique à contre-cœur, je condescendis.
C´était une chanson triste qui rimait justement avec l´état de mon esprit.
Je me mis à chanter à mi-voix.
Je suis seul ce soir
Avec mes rêves
Je suis seul ce soir
Sans ton amour.
Le jour tombe
Ma joie s´achève,
Tout se brise
Dans mon cœur lourd…

Sans le vouloir, je commençai à traduire sur le ton toute l´angoisse qui oppressait mon cœur. Ma voix était sourde et pathétique comme une lamentation.
La pauvre gosse devina-t-elle mon état ?
Je pense que oui. Parce qu´elle se mit tout à coup à me regarder comme hypnotisée, reflétant dans son joli minois la plus vive anxiété.
Entre-temps, je continuai à fredonner :
Je suis seul ce soir
Avec mes peines…
En ce moment, un véritable éclair illumina ses prunelles claires.
C´était une apostrophe
Mais oui, je compris instantanément toute sa signification.
Cette apostrophe muette voulait dire :
-         Pourquoi êtes-vous si triste, Monsieur ? Mais non, vous n´êtes pas seul. Regardez-moi. Je vous en prie. Je suis avec vous, moi, la petite Paulette, la petite Guichard… »
Pauvre touchante enfant!
Quand la veillée fut finie, il pleuvait, il pleuvait continuellement, ennuyeusement, implacablement.
Je m´enfermai dans ma chambre, comme dans un mastaba.
Tandis que je me déshabillais, un éclair inespéré fit frisonner les rideaux des fenêtres.
Un tonnerre sourd retentit dans la nuit.
C´était l´orage.
Un orage hors saison, lointain et ténébreux, comme celui qui grondait aux souterrains de mon âme.
Mes nerfs brisés se crispèrent un moment.
Puis, je me laissai tomber lourdement sur le lit, soupirant à la façon d´un pacte maudit.
Il pleut sur mon cœur
comme sur le village
des flèches de douleur
et des foudres de rage…



DEUX MADRIGAUX

Madrigal Espagnol

Saint-Cyr-en-Bourg, le 24 février 1944

À Mademoiselle Jeannette Maslard

En écoutant un soir un fougueux pasodoble,
Mes yeux sur ton profil de “niña” de Séville
Tu me fis l´illusion d´une princesse maure,
Et je brûlai d´envie d´embrasser tes pupilles.

Madrigal Français

À Mademoiselle Marguerite Maslard

Quand tu me sers, Margot, je suis toujours honteux
Et sais-tu le motif?
Les Belles –des reines- ne servent pas les gueux,
Elles s´en font servir…



MADRIGAUX

A Mademoiselle Simone Dézé
Saint-Cyr en Bourg, 25/05/1944
I

ALLUMETTE

Vous transmettez de la flamme à tous les hommes…
Ils brûlent. C´est normal.
Mais ne vous brûlez-vous jamais du moins les ongles ?
J´aimerais le savoir…

II

COMPTABILITÉ

Vous calculez très bien toutes les transactions
Que dans tous les rayons règlent les Galeries.
Faites-vous le calcul de toutes les passions
Que soulève en passant votre mine jolie.

III

PEUR
Saumoussay, le 01 juillet 1944

À Mademoiselle Yvonne Dumoulin

Vous me dites un jour : « Avez-vous peur de moi !
Mais, oui. C´est naturel.
Vos cheveux et vos yeux sont un feu dévorant.
J´ai peur de me brûler…

IV

JALOUSIE
Saumoussay, le 01 août 1944

En vous voyant baiser le pied de Saint-Martin,
Je sentis la faveur d´un fol iconoclaste.
Mes lèvres envieuses faillirent blasphémer
Et j´aurais bien voulu brûler l´église du village…[3]
La Perrière, le 1 Août 1944

V

AFFOLEMENT

Saumoussay, le 15 août 1944

Pourquoi vous troublez-vous, ma charmante fillette,
Lorsque je vous surprends avant entre toilettes… ?
Avec votre excèdent de beauté sans garder,
Force femmes seraient des reines de beauté.

Sait-Cyr-en-Bourg, 15 août 1944

VI

BLASPHÈME
Sait-Cyr-en-Bourg, le 18 août 1944

Je comprends bien, amie, en vous voyant souffrir
Que l´on soit un athée.
Est-ce que le bon Dieu saurait bien consentir
Que vous souffriez, ma chère… ?


À Gilberte Dézé

Saummossay, le 25 juin 1944

Vous transmettez de la flamme à tous les hommes
Ils brûlent. C´est normal.
Mais ne vous brûlez-vous jamais du moins les ongles ?
J´aimerais le savoir…



EN ROBE DE PREMIÈRE COMMUNION


À Lucette Denis et sa famille
Manuel G. Sesma
Saint-Cyr-en-Bourg, le 4 juin 1944

Je sais bien, ma chère,
La tendre prière
Qu´aujourd´hui tu as faite au bon Dieu :

« Mon divin enfant,
Rends-moi papa,
Qui languit loin de nous et des aïeux… »

Je sais bien, petite,
Ce que d´un cœur triste,
Ta mère à la Vierge a prié :

«Aie pitié de nous
Rends-moi l´époux
Et le père de mes fils adorés… »

Je sais la pensée
Qui cette journée
A sans cesse troublé tes grands-parents :

« À notre pauvre gosse,
Si dans cette robe
Pouvait te voir et serrer ton papa… ! »
……............................................
……............................................

Mais oui, mes amis,
Cela va finir :
La guerre, l´exil et les hécatombes.

L´Absent rentrera
Encore cet an
Et il sera le plus heureux des hommes.



CONFIDENTIELLEMENT

A Mademoiselle Simone Dézé
Candes-Saint-Martin, le 30 juillet 1944


-         Je vous dis : « Je vous aime » :
Mais vous n´y croyez pas.
Pourquoi, Mademoiselle… ?
Expliquez-moi pourquoi.
-         Car, mon ami, vous êtes
Un volage don Juan
Qui pour toutes les belles
A un beau madrigal.
-         M´avez-vous que cela
À m´objecter, ma mie ?
Eh bien, écoutez-moi
Encor, je vous en prie.

J´aime effectivement touts les roses fraîches
Que je trouve en passant aux jardins de la Vie.
Mais pour parer mon cœur, comme ma boutonnière,
Je n´en prend enfin qu´une : savoir, la plus jolie.

II

Si vous ne croyez pas à mes aveux d´amant,
Regardez mes prunelles
Les yeux ne trompent pas. Ils sont toujours plus francs
Que les plus franches lèvres…

III

Vous m´avez demandé : « Et pourquoi vous m´aimez ?
Mais je ne le sais pas.
Le cerveau ne peut pas répondre à ce sujet.
C´est le cœur seulement.

Si je savais vraiment pourquoi je vous adore,
Vous adorerais-je ?
Un amour qui en effet argumente et raisonne
Est-il un amour vrai… ?

IV

Que ferai-je mon dieu, pour vous communiquer
De mon amour la force… ?
Les mots n´y peuvent rien. Je vais vous embrasser.
Sentez-vous quelque chose… ?

V

Le jour où je vous dis : « Je vous aime, mignonne »,
Le ciel était couvert.
Pourtant je le trouvai plus que jamais au monde
Baillant et azuré.

Ce fut qu´au lieu de viser les nuages,
Je contemplai vos yeux.
Et j´y vis aussitôt les ailes d´un archange
Adorable et radieux…

VI

Alors Mademoiselle.
Vous désirez apprendre
Comment l´espagnol aime… ?
Retenez cette image.

L´amour de l´espagnol, ma belle demoiselle,
Est comme le Soleil du ciel équatorial.
Il vivifie, éclaire, enflamme, énivre, aveugle.
Et il tue parfois…





REFLEXION À MI-VOIX

Saint-Cyr-en-Bourg, le 2 Août 1944


Pensez bien à ceci, ma mie :
« Un Grand amour
Ne frappe pas journellement aux portes de la Vie,
Un beau jour.
Il paraît par hasard.
Malheur à qui le laisse partir légèrement !
Car après…,
Il ne revient jamais… !
……………………………………………
Pensez bien à cela.


VERS

MADRIGAL ROUENNAIS


I
À Mademoiselle Anita Rodríguez
Rouen, 1 janvier 1944


En vain le ciel d´acier du paysage normand
Enveloppe Rouen d´un châle gris et triste,
Tandis que sur tes lèvres et dans tes yeux gitans
Eclatent les œillets et soleils de Melille.



QUATRE CADEAUX

II

A Mademoiselle Jacqueline Lapique
Bernay, le 21 avril 1943

A

Avec la « Danse rituelle du feu »
De « L´Amour sorcier » de Manuel de Falla

L´Amour est toujours un sorcier,
Mais celui de notre Falla
Est le vieux Méphistophélès
Brûlant dans le feu de don Juan…

B

Avec le « Clair de Lune » de la « Suite bergamasque » de Claude Débussy.

Au « Clair de Lune » de Débussy,
Sarabande d´étoiles filantes
Une nuit je me suis aperçu
De la grâce et du chic de la France.

C

Avec le « Caprice espagnol » de Moszkowski

Caprice espagnol de Moszkowski
Est la danse de Carmen d´Espagne
Qui met à genoux les bandits,
Les patriarches et les princes slaves.

D

Avec la « Sonate op 2, nº 2 » de Louis van Beethoven.

Voici l´œuvre inspirée par l´amour
Au plus grand musicien de la terre
Je voudrais qu´on vous aime un beau jour
Comme Louis adora la Comtesse.


III

A Antoñita Recio

No envidies de las niñas de la Bourse e de Víctor
Sus trajes, sus alhajas y finos maquillaje.
Son muñecas de trapo y esperan que las compren.
Tu eres una mujer. Espera que te amen.


IV

À Trinidad Recio

Contemplando tus manos blancas y dolorosas.
Al volver de la calle y tropezar mil furcias
He sentido deseos de escupir a estas golfas
Y de besar tus manos de obrera de la aguja.


V

À Caroline Dézé
Saumur, 18 décembre 1945

Un soir elle souffrait, la Belle. Je l´aimai.
Sa douleur me toucha.
Après… c´est moi hélas ! qui souffre pour jamais.
Elle ne m´aime pas…

(Douleur)


VI

À Mademoiselle Yvonne Dumoulin
Saint-Cyr-en-Bourg,  juillet 1944

Vous me dites un jour : « Avez-vous peur de moi !
Mais, oui. C´est naturel.
Vos cheveux et vos yeux sont un feu dévorant.
J´ai peur de me brûler…

(Peur)


VII

À Simone Dézé
Saumussay, le 25 juin 1944

Vous calculez très bien toutes les transactions
Que dans tous les rayons règlent les Galeries.
Faites-vous le calcul de toutes les passions
Que soulève en passant votre mine jolie.

(Comptabilité)


VIII

A Marguérite Maslard
Sait-Cyr-en-Bourg, 24 février 1944

Quand tu me sers, Margot, je suis toujours honteux.
Et sais-tu le motif.. ?
Les Belles –des reines- ne servent pas les gueux.
Elles se font servir…

 (Honte)



EPITHALAME


A Mr. Yves-Sébastien Cordoliani et Mlle. Christine Bourdin, à l´occasion de leur mariage, à Paris, le 23-12-1976.

Yves-Sébastine, Christine,
couple amoureux et gentil:
Que Dieu votre union bénisse.
Ainsi soit-il.

Que vous formiez un ménage
toujours par l´amour uni,
Sans l´ombre d´un seul nuage.
Ainsi soit-il.

Que les anges des Marnot,
Bourdin et Cordoliani
protègent votre maison.
Ainsi soit-il.

Que la maladie, la gêne
et d´autres graves ennuis
jamais votre vie n´affectent.
Ainsi soit-il.

Que votre foyer égaient
une fillette et un fils
qui resserrent vos liens.
Ainsi soit-il.

Que vous ne connaissiez point
des ménages désunis
les pénibles embarras.
Ainsi soit-il.

Que vos petits différends
de la journée, dans la nuit
se dissipent doucement.
Ainsi soit-il.

Que glisse votre existence
comme sur un fin tapis
des Gobelins d´autrefois.
Ainsi soit-il.

Que vous soyez un miroir
où se regardent ravis
vos parents et grands-parents.
Ainsi soit-il.

Que vous parveniez à voir
vos arrière-petits-fils,
devenus de beaux gaillards.
Ainsi soit-il.




[1] Nom d´un porc, appartenant aux camarades du commandement du 183 G.T.E. aux Salelles. Pendant l´hiver 1942-1943, un porc était dans toute l´Europe un trésor aussi fabuleux que la Toison d´Or de Jason et ses Argonautes.
[2] L´emblème de la Phalange espagnole.
[3] L´église de Saint-Martin à Candes où mourut le célèbre évêque de Tours.

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