En 1946, Manuel García Sesma publicó una serie de artículo en "L´Espagne Républicaine", un semanario político y literario
editado por el periodista Ricardo Gasset, primero en Toulouse y en París, de
junio de 1945 a enero de 1949.
La
confidence de la capitaine
Nouvelle
inédite par Manuel G. Sesma
Illutration
de Geo Marc
A Madame et Monsieur Paul Gonda
Il
ne s´agit pas de la femme d´un capitaine, mais d´une capitaine authentique. Elle
était Madrilène, du quartier populaire d´Avapies et s´appelait Encarnita L.
L´un
des traits caractéristiques de la guerre civile espagnole de 1936-39 fut la
participation de la femme aux combats contre les insurgés fascistes et les
envahisseurs étrangers venus à leur secours. Ce trait s´explique tout d´abord
par le tempérament passionné de la race; puis par le fait que la deuxième
République espagnole était en train d´émanciper les deux parias séculaires de
la société péninsulaire: l´ouvrier et la femme. Aussi quand ses asservisseurs traditionnels se rebellèrent
contre la République, les ouvriers et les femmes prirent spontanément les
armes.
Une
courageuse jeune fille, Aida Lafuente, avait déjà donné l´exemple, lors de
l´ínsurrection populaire d´octobre 1934. Un gouvernement de prévaricateurs et
de jésuites –la coalition radical cédiste- essayait déjà à cette époque de
saper le nouveau régime. Mais le peuple alerté se révolta. Pour étouffer la
protestation, la réaction gouvernamentale qui se méfiait –et pour cause- des
soldats espagnols, envoya contre les mineurs des Asturies –qui étaient les
protestataires les plus énergiques – des troupes ramenées d´Afrique, composées
de Marocains et d´apatrides de la Légion étrangère. Il y eut à ce sujet des
combats acharnés et les mineurs asturiens se défendirent avec leur courage
proverbial. Et bien, l´un des épisodes les plus émouvants de cette lutte
inégale fut le sacrifice héroïque de la fille d´un peintre, Aïda Lafuente. Pour
protéger la retraite de ses camarades –et malgré les conjurations de ceux-ci,
elle eut la bravoure de continuer elle seule à soutenir le combat, tirant sans
arrêt avec une mitrailleuse contre les hordes maures lancées à l´assaut de la
gare d´Oviedo. Naturellement, la lutte ne fut pas longue et quand elle eut
épuisé ses munitions et que les Marocains, bravant de rage et de luxure,
allaient la capturer, elle se suicida avec un revolver, devant leurs yeux.
Ce geste magnifique, devenu immédiatemt légendaire,
était tout recent en juillet 1936. Donc, quand
l´insurrection franquiste éclata, le souvenir glorieux d´Aida Lafuente enflamma
aussitôt l´imagination et alluma le courage de force femmes antifascistes de la
péninsule. On vit par la suite, sur tous les fronts de bataille, des femmes
résolues, des miliciennes mener vaillamment le combat aux côtés des hommes, et
c´est justement à cette occasion que je connus la capitaine Encarnita.
Le
siège de Madrid commençait à ce moment. Les fascistes piétinaient dans ses
faubourgs. C´étaient les derniers jours de novembre 1936. À cette époque, je combattais comme
volontaire dans une batterie de canons Schneider de 750 mm. campagne, relevant
du commandement de la XIe brigade internationale. Nous avions placé nos pièces
aux environs de la “Plage” de Madrid. Un beau matin, je regardai passer de
bonne heure, sur la route voisine, une compagnie d´infanterie. Elle allait
prendre position aux bords du Manzanares. A sa tête marchaient un homme et une
femme. Celle-ci portait sur son épaule un fusil mitrailleur.
C´était
une jeune femme, forte, de taille moyenne, à la chevelure châtain et à la
figure assez agréable. Elle était habillée en soldat et marchait
tranquillement, simplement, sans aucun souci de parade. On entendait très
proche le fracas du combat.
Cette jeune femme était Encarnita. Sa
vue m´impressionna. Elle ne tarda pas à s´éloigner avec sa compagnie et je ne
la revis plus sur le Front de Madrid.
Pourtant,
deux années après, je la rencontrais à nouveau sur le Font de Catalogne.
Ce
fut un autre hasard. À ce moment, j´étais affecté au 2º groupe d´obusiers
Vickers de 105 mm. compagnie de la R. G. A. Un soir je fus envoyé, comme
officier de liaison, auprès du commandemnt de la XIe división. C´était un jour
de janvier 1939. Le poste de commandement était installé dans la masure d´un
pauvre paysan.
Quant j´y arrivai, il faisait déjà nuit: une nuit ténébreuse
et froide. En pénétrant dans la pièce ou était réuni l´état
major, j´aperçus dans la pénombre trois militaries. Ils se penchaient sur un
plan de campagne étendu sur une table. Ils s´éclairaient avec une lampe à pétrole. En levant
la tête pour répondre à mon salut, ils laissèrent voir leurs visages et ma surprise
fut extraordinaire. L´un des officiers était Éncarnita et un
autre, Jesús S., un de mes anciens élèves de Madrid que l´on m´avait dit mort au
combat et qui était à présent commandant d´état-major à la división.
Après
les effusions naturelles et le récit inmmédiat de nos aventures respectives, je
lui demandais des renseignements sur la capitaine Encarnita. Son cas m´intéressait. Et mon élève satisfit abondamment
ma curiosité.
D´après son témoignage, Encarnita avait pris une part
brillante aux batailles les plus sanglantes de la guerre: Madrid, Brunete,
Belchite, Teruel, l´Ébre, et elle s´était toujours distinguée par son
sang-froid et par son courage. A Brunete elle commandait une compagnie de
maitrailleuses. Celle-ci ayant été encerclée par l´ennemi la capitaine réussit
à se sauver et à sauver ses hommes frayant à tous un passage avec le feu de sa
mitrailleuse.
C´était une authentique heroine de notre guerre.
Mais à present elle n´avait plus l´élan combattif
d´autrefois. À cause de la vie rude de campagne, elle avait contracté une
maladie de poitrine et ne prenait plus une part directe aux combats. Elle
était à ce moment la gouvernante du poste de commandement de la division.
Je
me fis présenter à elle spécialement par mon ancien élève et commençais à la
traiter avec empressement. Deux jous après, le chef de la división décida de
changer de poste. Nous nous trouvions aux alentours de Carme. On alla s´installer
dans une usine à papier, située à la croisée de chemins la plus proche. Nous prîmes
la capitaine et moi une voiture à nous deux seuls, pour rejoindre le nouveau
poste. C´était par une nuit sans lune, mais sereine et étoilée. A l´intérieure
de la voiture une petite lampe laissait tomber sur nos têtes une lueur
jaunâtre. En entamant la conversation avec la capitaine, je la dérivai bientôt
vers sa vie de combattante.
- - Cette existence, Monsieur,
répondit-elle. Je m´y suis habituée, bien entendu –pour mon malheur- mais je ne
l´aime point.
- - ¿Pourquoi?
- - Parce que la guerre n´est pas faite pour
les femmes. Nous y perdons toujours et tout: le temps, les sentiments, la
santé, la beauté, et même le sexe…
-
Je la regardai stupéfié. Je ne m´attendais pas à cette réponse. Un
peu déconcerté, je lui répliquai:
- -
Le sexe aussi? Vous exagérez, madame.
- - Oui,
Monsieur. Ou tout au moins la féminité. Je vous parle par expérience.
Habituée à m´habiller toujours en soldat, entouré uniquement de soldats et
menant incessamment la vie de soldat, avec sa dureté et sa brutalité, la
sensibilité, le sex-appeal et même la coquetterie de mon sexe. C´est affreux, Monsieur. Je ne me retrouve plus une
femme, mais une bête féroce et asexuée.”
Elle prononça cette dernière phrase d´une voix sourde,
qui traduisait le découragement et le désespoir.
- - Oh!
Pas
du tout, madame, protestai-je, saisi d´une émotion profonde. Au contraire, vous êtes à présent une femme doublée d´une
héroïne.
-
-
D´une héroïne?... fit-elle avec sarcasme. Quelle plaisanterie! Non, monsieur,
non. Je
ne suis pas une héroïne, mais une pauvre femme qui a gâché pour toujours son
existence. Que vais-je devenir, après la guerre?...
Elle
se tut. Son silence était dramatique. Je le respectai. Sa belle chevelure projetait sur son visage des ombres
sinistres comme celles qui obscurcissaient son âme.
Cette confidence inespérée me troubla. Je
contemplai un moment la capitaiene avec une pitié infinie. Cependant, l´accent pathétique qu´elle y avait mis spontanément
finit par me rassurer. Parce que cet accent de sincérité
poignant était un índice infaillible que, malgré son uniforme et son revolver
d´homme de guerre, malgré ses exploits de farouche combattante, la capitaine
restait toujours une femme sensible et défaillante. C´est à dire une véritable
femme.
Heureusement
pour elle!...
Décembre 1946
No hay comentarios:
Publicar un comentario