La Maternidad de Elna

 

La Maternité d´Elne

PERSEO

Adela Trullas Andreu y su hijo, Perseo Maíllo Trullas, a la izquierda. 

PERSEO MAÍLLO TRULLAS

Perseo MAÍLLO TRULLAS, protagonista de este relato, nació en la maternidad suiza de Elne (Francia) el 19 de febrero de 1941. Era hijo de Francisco MAÍLLO RAMOS (Villanueva y Geltru, 1909 - Aubenas, 1988) y de Adela TRULLAS ANDREU (Canet de Mar, 1912 - Aubenas, 1995). El relato escrito por Manuel García Sesma forma parte de la historia del 160 Grupo de Trabajadores Extranjeros, instalado en Saint-Maurice d´Ibie (Ardèche), formado por españoles... Manuel García Sesma, que dominaba la lengua francesa, fue asignado muy pronto al puesto de telefonista del Grupo, situado en el restaurante del alcalde del pueblo, Señor Arzac. Por esa razón, cuando el tío de Perseo, José Maíllo Ramos (Moraleja del Vino, Zamora, 1901 - Chemin de Montjay, 1943) le pide a Manuel García Sesma ayuda para poder traer a su familia (su cuñada y su sobrino Perseo) a la casa en la que vivían, la buena relación entre el Señor Arzac y Manuel García Sesma se convirtió en clave para conseguirlo. A su llegada, Adela Trullas dio a Manuel García Sesma los datos con los que el escritor navarro escribió su relato. 

A Madame Adela Maíllo [1]

Souvenir de notre exil dans la commune de Saint Maurice d´Ibie.
Avec toute ma sympathie
St. Maurice d´Ibie (Ardèche),
le 25 octobre 1942

- “Madame: pour une femme qui va devenir bientôt maman, ce maquillage ne va pas .... Voulez-vous vous laver, s´il vous plaît...?
Et Mademoiselle Edith, le sourire aux lèvres, tourna elle-même le robinet du cabinet à toilette.
L´interpelée, un peu surprise d´abord, puis un peu plus troublée prit machinalement le gant à toilette, le trempa dans l´eau et ôta tout de suite son fard. C´était une réfugiée alsacienne, un peu mûre et un peu plus frivole et coquette: une de ces femmes de la retraite de Mai et Juin 1940 dont un membre de l´Académie Goncourt, René Benjamin, a fait un peu trop impitoyablement le portrait dans son livre “Printemps tragique”.
Mademoiselle Edith était tout justement le type opposé: le type de femme qui prend la vie au sérieux et non comme une mascarade carnavalesque. D´abord, elle n´était pas française, mais suissesse; une jeune femme dépassant peut-être la trentaine, mais la portant avec aisance: svelte, mince, brune, habillée d´un uniforme à raies bleues et blanches, avec un col blanc empesé. Elle était la sage-femme de l´établissement. Parce que le lieu où cette scène s´est déroulée, était justement une Maternité: la Maternité suisse d´Elne [2], soutenue par la Croix Rouge de la petite République.
Elne est un village du département des Pyrénées Orientales, situé aux alentours des camps de concentration de St. Cyprien et d´Argelès-sur-Mer. Lors de l´exode des républicains espagnols en Février 1939, la Croix Rouge Suisse, section de Secours aux Enfants, s´était pressée d´y ouvrir une Maternité, pour venir en aide aux réfugiées espagnoles enceintes et aux enfantas nouveau-nés.
Il était alors ministre de l´Intérieur un radical socialiste et francmaçon notoire: Monsieur Albert Sarraut. C´est de son autorité que les camps dépendaient. D´autre part, à cette époque fonctionnait déjà en France l´oeuvre de la Sainte Enfance, dirigée alors par Mgr. Merio. Mais ni la philantropie maçonnique ni la charité catholique n´eurent l´idée de secourir spécialement nos malheureuses femmes et enfants. Naturellement ni l´une ni l´autre ne soupçonnaient alors non plus que l´année suivante, force femmes et enfants français et des peuples alliés de la France (la Pologne, la Belgique et la Hollande) se trouveraient dans le même cas [3]. Heureusement la Croix Rouge Suisse – qui ne regarde pas la nationalité ni l´idéologie, mais le malheur – était déjà là; et dorénavant la Maternité Suisse d´Elne ouvrit ses portes non seulement aux futures mamans espagnoles, mais de toute autre nationalité, réfugiées dans les camps.
Justement quand Madame Adela Maillo y entra, à la fin Janvier 1941, il y avait une autrichienne, une russe blanche, une juive française, une polonaise, etc. Pourtant le contingent le plus nombreux était toujours celui des espagnoles.
La Maternité Suisse d´Elne était située à deux kms. du village et installée dans le Château de Mirois, un vieux bâtiment à trois étages, placé au milieu d´un jardin. On y disposait de 50 lits, distribués dans plusieurs pièces qui en contenaient de quatre à huit. Ces pièces avaient été baptisées pour la plupart de noms des principales villes espagnoles: Barcelona, Bilbao, Madrid, Santander, Sevilla et Zaragoza. Il y en avait en outre Suiza, Polonia, Marruecos [4] et Paris. Donc tous les enfants nés à la Maternité Suisse d´Elne étaient d´abord des marocains... C´était une petite chambre blanchie en blanc verdâtre et garnie d´un lit, une table, un lavabo et une armoire contenant les ustensiles de la sage-femme. Donc c´était là notamment le centre des activités de Mademoisele Edith. Parfois cette activité était vraiment angoissante, parce que les nouveau-nés ne voulaient pas attendre leur tour, et plus d´une fois, quoique peu souvent, il arriva d´accoucher sur l´unique lit deux mamans ensemble. Heureusement, pour Madame Adela Maillo, Perseo fut dès le premier moment, un enfant sage et il est arrivé à ce drôle de monde le 19 février 1941, sans presser impoliment sa mère ni sa sage-femme.
Perseo était un petit espagnol, espiègle et beau qui vingt mois après, devrait faire les délices des réfugiés de la commune de Saint Maurice d´Ibie. Mais au moment de se présenter dans cette planète et d´y demander une place pour lui, il n´était, comme tous les nouveau-nés, qu´un petit mammifère rougeâtre et déformé, pesant 2´770 kg. Aussitôt que Mademoiselle Edith le tint, elle le montra un instant à sa mère, puis le nettoya, l´empaqueta et l´expédia à “Madrid”. Chose rare! Sa maman, catalane cent pour cent, ne protesta pas.... [5]!
Mais oui; “Madrid” était le bercail, la chambre aux berceaux des nouveau-nés: une chambre propre et soignée, regorgeant de berceaux en osier et d´innocents bébés. Lorsque Perseo s´y présenta, elle regorgeait tellement de poupons, qu´il n´y avait plus une place libre pour lui. Mais Mademoiselle Betty était une débrouillarde et lui en trouva une provisoire tout de suite, dans le berceau d´un autre petit espagnol. Perseo y resta pendant trois jours. Dorénavant il eut son berceau à lui.
Mademoiselle Betty, quoique maîtresse de “Madrid”, n´était pas madrilène ni espagnole, mais suissesse. Elle avait pourtant la grâce et l´aspect sympathique d´une jeune fille de la Latina ou de Chamberí [6].
Tout d´abord, elle parlait parfaitement l´espagnol, comme Mademoiselle Edith. C´était une poupée blonde, grande, frêle, jolie et gaie, âgée de quelque 21 ans; enfin, l´ange gardien idéal pour cette pouponnière madrilène.
Perseo y passa les premières 24 heures de son existence sans bouger ni goûter, comme c´est de rigueur dans ces cas, notamment en temps de restrictions. Mais dès le lendemain, il commença à voyager et à dévorer d´une façon alarmante. Chaque trois heures, il allait de “Madrid” à “Zaragoza”; pas en avion – Saragosse est éloignée de Madrid, quelques centaines de kilomètres -, mais dans les bras de Betty. A “Zaragoza” – la chambre où se remontaient les accouchées -, sa mère l´allaitait six fois par jour. Mais la pauvre mère, à la suite des privations du camp, n´était pas trop forte, tandis que Perseo montrait une voracité de loup. Alors trois semaines après, il fallut renforcer par le biberon l´allaitement maternel. Cependant même avec ce renfort, ce petit Lucullus en maillot ne se rassasiait pas. La ration normale de biberon étant de 120 grammes de lait, le petit Perseo en prenait toujours de 160 à 170 gr. Bah! Il était dans le pays de Pantagruel!
Naturellement après s´être bourré de cette façon, l´enfant sommeillait comme un ange. Il n´agaçait Mademoiselle Betty qu´à l´heure du réveiller. S´il avait été plus âgé, il aurait fallu plus d´une fois le réveiller à coups de bâton. Mais la jolie nurse ne dispensait pas les coups, mais les caresses. Grâce à ce régime, Perseo, 50 jours après sa naissance, pesait déjà 3´5 kilos.
Entre-temps, sa maman ayant quitté le lit s´était rendue de “Zaragoza” à “Paris”. Après deux années de séjour en France, ça valait la peine de visiter sa capitale – dut penser Madame Adela. Même en Mars 1941...!
Mais oui, le “Paris” de Mademoiselle Elisabeth [7] n´était pas précisément celui du général von Stülpnagel... Là, comme dans toute la zone occupée par la Maternité Suisse, ce n´était pas l´autorité imposée par la force, mais par le dévouement et la douceur. Mademoiselle Elisabeth, la directrice de l´établissement était une jeune personne de quelque 25 ans, blonde, mince, habile et sympathique. Elle était aussi suissesse, comme les deux collaboratrices, et parlait correctement l´espagnol; mais elle ne portait pas d´uniforme.
Les normes de la direction c´étaient, pour la discipline, une fermeté polie; et pour le régime, l´ordre, le bon traitement et la tolérance. Les trois demoiselles suissesses savaient s´imposer toujours de la façon la plus catégorique et la plus aimable. Du reste, l´ordre dans la maison était complet. Il ne laissait rien à désirer. Chaque lundi, Mademoiselle Elisabeth distribuait les services de la semaine entre les réfugiées qui se trouvaient en état de les assumer. L´hygiène était parfaite; la nourriture adéquate et abondante; le respect des croyances absolu. On baptisait les enfants dont les mères le demandaient expressement; mais aucune pression à ce sujet. Et d´autre part, pas de prières collectives ni de catéchèses impertinentes [8].
Quand Madame Maillo dut quitter la maison avec son enfant, le 11 avril 1941, ce fut avec un véritable regret et avec une immense reconnaissance envers ces trois suissesses exemplaires. Hélas! Le panorama allait changer complètement pour elle et son enfant. Une autre fois le camp de concentration avec ses barbelés, ses gendarmes, ses rats, ses poux, sa disette et sa misère...!
Pourtant au camp d´Argelès, il y avait aussi une caricature de Maternité, installée dans la baraque B9 du camp de femmes. Justement je connaissais très bien ce genre de baraquement pour avoir habité la B14, pendant les mois de Juillet et Août 1940, à la suite de l´armistice franco-allemand du 25 juin. Et bien, celle-là était une baraque comme les autres, avec la seule différence d´être parquetée, d´avoir l´éclairage électrique et d´être partagée en trois compartiments: un pour les mamans, un autre pour les enfants et le troisième pour Nati, une jeune femme espagnole chargée de la direction. Les bébés y avaient de petits berceaux en bois. Chaque nuit ils étaient surveillés par deux mamans qui se relevaient à deux heures du matin. Lorsque Madame Maillo s´y installa avec Perseo, il y avait quelques vingt enfants et une douzaine de mamans. La différence s´explique parce que la moitié presque des mamans avait d´autres enfants aînés, logés dans d´autres baraques et préféraient y dormir avec ceux-ci.
Pendant l´hiver, le compartiment des enfants avait un poêle à charbon pour les chauffer. Et c´était tout. Pas d´eau ni de moyens d´hygiène infantile les plus élémentaires. Pour nettoyer les enfants, les mamans devaient aller chercher de l´eau aux cuisines du camp qui, certes, ne leur en fournissaient pas toujours.
Le régime alimentaire des mamans qui allaitaient, était exactement celui du reste des réfugiées. A sept heures du matin, du café seul, mais bien mouillé... A midi, une assiette de navets seuls ou avec des artichauts et un peu de confiture ou de fruit. Parfois on y ajoutait une ou deux sardines salées et un quart de vin; et une fois par semaine on donnait encore un morceau de viande. Quant au pain, on distribuait journellement un pain d´un kg. Pour trois personnes, c´est-à-dire, 333 gr. de pain pour chaque maman. Bien entendu, ce kg. de pain n´était pas toujours réel, mais théorique. A 18 heures du soir, même repas qu´à midi.
Pour les enfants le rationnement était pareil. Le Camp ne faisait aucune distinction à leur égard. Que voulez-vous? Le Commandanement des camps n´était pas composé précisément par des professeurs de Puericulture. Heureusement la Section de Secours aux Enfans de la Croix Rouge suisse continuait à venir en aide aux enfants enfermés dans les camps. Elle fournissait journellement un litre de lait pour chaque nourrisson, et donnait aux autres enfants du lait au matin et un goûter à base de confiture ou de fromage dans l´après-midi. Ces goûters étaient aussi distribués chaque jour aux mamans.
Quand un enfant tombait malade, il était transféré à l´Hôpital Général du Camp. S´il était encore nourrisson, on permettait à la mère de s´y installer avec lui. En cas contraire, la mère ne pouvait le voir que les jours de visite, c´est-à-dire, deux fois par semaine, dans l´après-midi. D´ailleurs, lorsque les enfants se portaient bien, les mamans avaient besoin d´une permission pour sortir leurs bébés prendre le soleil entre les barbelés. Voilà donc comment Perseo et sa maman vécurent au camp d´Argelès-sur-Mer pendant un mois à peu près. Heureusement le pauvre poupon ne se rendait compte de rien.
Vers la mi-Mai 1941, comme le reste des enfants d´Argelès, fut transféré au camp de Rivesaltes, situé aussi dans les Pyrénées Orientales. Le transfert eut une suite tragique. Une demi-centaine de gosses succombèrent en quelques semaines. Mais Perseo tint bon vaillamment. Alors la Croix Rouge Suisse demanda et obtint le transfert des survivants les plus menacés à sa colonie infantile de Banyuls-sur-Mer. Perseo resta sur place.
Pourtant cette place n´était pas très confortable. Pour ne pas trop changer, comme Argelès, à peu près. Tout d´abord, Madame Maillo fut installée avec son enfant à l´îlot J, baraque 21. Puis, lorsque Perseo atteignit six mois, ils passèrent tous les deux à la baraque J15; six mois après, à la baraque J29; et enfin, quand le bébé eut quinze mois, à la baraque J33. Au commandement du camp de Rivesaltes, il n´y avait aucun disciple de Marie Montessori ni du docteur Variot; mais enfin, le traitement était un peu moins déraisonnable. D´abord, le rationnement des enfants était aussi en principe le même que celui des personnes âgées, mais avec cette différence: pas de vin ni de café, et seulement cent grammes de pain par jour. En compensation, on donnait un demi-litre de lait par jour à chaque enfant, à partir d´un an.
D´ailleurs, les secours de la Croix Rouge Suisse y étaient parfaitement organisés. On fournissait journellement aux nourrissons un litre de lait jusqu´à un an; une bonne ration pour deux repas de riz ou de bledine, d´un à trois ans; du riz seulement, de trois à six ans; et du lait et du riz ou purée, de six à quatorze ans. Les distributions étaient régulièrement faites par le siège Central des Secours aux Enfants, demeurant à Toulouse, 71 rue du Tarn.
Du reste, l´installation à Rivesaltes était aussi misérable que celle d´Argelès. Et sous quelques aspects, plus pénible encore. Ainsi par exemple la baraque des bébés avait un poêle, comme à Argelès; mais on ne fournissait point de charbon ni de bois pour l´allumer. Alors les mamans, pour ne pas laisser périr de froid leurs enfants, étaient obligées de s´ingénier pour trouver du combustible dans le camp, ce qui n´était pas facile et, en outre, donnait souvent lieu à des arrestations. Mais que ne bravera pas une mère pour défendre la vie de son enfant...?
Les craintes du Commandement du Camp à la suite de la crise de mortalité infantile aux débuts de l´été 1941, lui inspirèrent des mesures un peu inhumaines. Par exemple, celle de ne pas permettre à une mère de cohabiter avec deux fils âgés de moins de trois ans et celle de prohiber à un enfant de visiter son petit frère, demeurant dans la Maternité du Camp. Mais ces mesures furent enfin abrogées, à la suite d´une inondation qui put devenir une catastrophe.
Quand un enfant tombait malade, il était transféré à l´Infirmerie Générale du Camp; mais on n´y permettait l´accès de la mère que pour l´allaiter exclusivement, s´il était nourrisson. Pourtant elle pouvait le voir naturellement les jours de visite, c´est-à-dire, jeudis et dimanches. Heureusement pour sa mère, Perseo n´eut jamais besoin d´être transféré à l´Infirmerie.
On imagine quand même aisement que la vie dans ces conditions n´était pas très agréable, et on ne s´étonnera pas qu´un beau jour Madame Maillo eût enfin décidé de quitter le camp avec son fils, dans le délai le plus court possible. C´était le mois de Mars 1942. Perseo avait déjà plus d´un an et il demeurait au camp de Rivesaltes depuis dix mois. Son père, qui était enrôlé dans le 410 Groupe de Travailleurs Etrangers à Perpignan, avait été obligé de se rendre avec celui-ci en zone occupée en Juillet 1941. Il travaillait dès lors à St. Malo, la petite patrie de Chateaubriand et de Lamennais. Son frère aîné, José [9], restait avec moi au 160 G.T.E. à Saint Maurice d´Ibie (Ardèche). Un jour José Mailló me dit: “Je voudrais ramener ici, ma belle-soeur et mon petit neveu. Tu sais, ils demeurent au camp de Rivesaltes et la vie là-bas n´est pas belle pour eux. Adela me communique qu´avec un contrat de travail, on lui permettrait de quitter le camp.”
Très bien – lui répondis-je. Compte sur moi pour faire les démarches nécessaires.”
Tout de suite, nous visitâmes Monsieur Arsac [10], le maire de la commune, et Monsieur Arrassipé, un ingénieur en retraite qui s´est engagé à prendre comme couturière Madame Adela Mailló pour sa femme et sa fille.
- Tu vois, c´est fait – lui dis-je à la sortie. Avant de finir ce mois, tu auras ici ta belle-soeur et ton neveu.
         Mais hélas! nous n´avions pas tenu compte de l´esprit paperassier de l´Administration française. Croira-t-on? Pour envoyer Francisco Maillo travailler en zone occupée, un simple ordre et deux journées de voyage suffirent. Par contre, pour tirer sa femme et son enfant d´un camp de concentration, il fallut sept mois de transvasement de paperasses...!
         Mais enfin, un beau jour d´octobre 1942, ils atterrirent tous les deux, à l´improviste, à la commune de St. Maurice d´Ibie. Tout de suite, nous les installâmes comme il faut dans notre hôtel de réfugiés. C´était un vieux taudis du village composé de deux pièces: une chambre et une cuisine. Dans la chambre nous couchions trois camarades: deux catalans et moi; dans la cuisine on avait fait un petit appartement avec deux couvertures et y couchait un jeune ménage aragonais. Alors pour loger Madame Maillo et Perseo, on improsiva à côté, dans la même cuisine, un autre minuscule compartiment avec deux autres couvertures; et voilà nos deux hôtes installés “comme il faut...” Mais oui: en tout cas, voilà en marche un foyer de sept personnes, non attachées pour la plupart par des liens familiaux, menant quand même avec harmonie une vie de famille, dans deux douzaines de mètres carrés. Naturellement pour faire des miracles pareils, il fallait être d´abord un réfugié espagnol.
Bien entendu, le petit Perseo devint dès le premier moment, la joie de la maison. Il était, certes, un joyau: beau, gracieux, inquiet, espiègle et affectueux. A cette époque il avait déjà vingt mois et pesait 12´800 kg. Ses yeux étaient bleus; son visage, potelé; ses cheveux, des boucles d´or. Il sautillait comme un chevreau, et il babillait comme un perroquet. Son jargon était pittoresque: une espèce d´esperanto particulier. Figurez-vous: sa mère étant catalane comme mes camarades Mateu et Masip; nous parlions le castillan, le ménage aragonais et moi; et dans le village le petit n´entendait que le français. Alors il nous saluait: “Kapalel, uva [11]” ; et il disait à son oncle en refusant: “No vull [12]”.
D´ailleurs, n´était-il pas né de parents espagnols dans un département français, dans une maternité suisse et dans une chambre marocaine...? Le comble, mon Dieu, le comble!
Comme tous les enfants de son âge, il cassait tout ce qu´il trouvait à la main et il s´amusait tapageusement avec tout et avec tous. Pendant les soirées, j´aimais le mettre souvent sur mes genoux et jouer avec lui joyeusement. Le pauvre gosse n´avait guère de jouets pour s´amuser; néanmoins il en trouva un épatant: un chat. Nous avions un petit chat, doux et patient, pour chasser les souris. Et bien, Perseo entra aux prises avec lui dès le premier jour et la queue du pauvre animal était toujours tendue entre ses mains, comme la corde d´un arc.
Comme Perseo entrait alors dans la période de l´imitation, il commença de très bonne heure à prendre les habitudes des hommes: fumer, dépenser l´argent et s´amouracher... Un jour Masip l´ayant mis entre les lèvres, pour s´amuser, une cigarette non allumée – c´est entendu -, le frippon de Perseo se mit à gesticuler comme un fumeur.
Il commença aussi à dépenser l´argent de sa maman de la façon la plus alarmante. Savez-vous comment? Déchirant tous les billets qu´il trouvait à la portée de sa main. Billet attrapé, billet mis en pièces. Bien sûr, il ignorait alors complètement l´existence et les ravages de l´inflation; mais il avait, on voit, l´intuition que tous ces papiers-là, sales et laids, ne seraient bons, à court délai, que pour allumer le feu...
L´engouement du petit Perseo fut quelque chose de plus épatant. Etonnez-vous-en! Il est devenu amoureux de Madame Geneviève Guitry...! Sans blague. Depuis quelques mois, j´avais sur mon chevet un grand portrait de la troisième femme de Sacha. Je l´avais découpé de la revue “7 jours” et affiché au mur de ma chambre. Eh bien, Perseo s´éprit du minois de la belle Geneviève et montant de temps en temps sur ma paillasse, il se mettait à l´embrasser amoureusement. Diable d´enfant [13]!
Même au hameau des Salelles, l´ombre bienfaisante de la Croix Rouge Suisse continua à le protéger. A Genève, le berceau de l´auteur de l´”Emile”, Perseo avait quelques marraines mystérieuses: Mlles. Berney, habitant 18 rue Dassier. C´étaient des bonnes fées qui ne le connaissaient même pas. Et bien, raison de plus pour reconnaître leur bienfaisance et leur désintéressement.
Béni pays que ce petit pays de la Suisse dont les femmes se préoccupaient généreusement de sauver la vie des gosses infortunés du Continent, tandis que d´autres s´attaquaient alors avec férocité à détruire la civilisation et l´humanité...!





[1] "Estaba casada con Francisco Maíllo. Pertenecían, según su sobrino Alfonso Maíllo Oliver, a las juventudes libertarias de Canet de Mar (Barcelona), donde vivían (que es donde viven los hijos de José Maíllo, a excepción del más pequeño – Juan -, mi padre, que vive en Mequinenza (Zaragoza)."
[2] La maternitat d´Elna, bressol dels exiliats, de Assumpta Montellà i Carlos. Editorial Ara Llibres.
[3] Ce serait pourtant injuste de passer sous silence les sécours prodigués aux premiers moments par les partis ouvriers français et surtout par les instituteurs et institutrices du Syndicat National.
[4] On y avait respecté l´orthographe espagnol de tous ces noms.
[5] Entre catalans et castillans a eu souvent un peu de mésintelligence.
[6] Quartier populaire de Madrid.
[7] Se llamaba Elisabeth Eidenberg. Ver EPS, número 1515. Domingo 8 de octubre de 2005.
[8] C´était le même esprit d´Adèle Kamm – une petite sainte protestante de Lausanne – à l´égard de ses coccinelles. Les suissesses savent être, comme aucune autre femme d´Europe, profondement religieuses et scrupuleusement tolérantes.
[9] José Maíllo Ramos, nacido en Moraleja del Vino, Zamora (1901-Chemin de Montjay, 2 de noviembre de 1943), hermano de Francisco Maíllo, padre de Perseo.
[10] C´était le maire de Saint Maurice. Menu des noces de Robert Arzac, fils de Mr le Maire de Saint Maurice, célébrées chez Vogüe, 8 septembre 1942, en présence de 100 invités: Hors d´oeuvres variés (Melon glacé porto / Jambon du pays, olives et beurre / Macédoine de légumes; Entrées: Tête de veau sauce royale / Bouchées à la reine / Truites saumonnées meunière / Civet de lièvre St. Hubert / Haricots verts à l´anglaise; Rôtis: Oies roties / Poulets de grains / Gigots de presele / Salade saison, Desserts assortis: Bombe glacée Paulette / Gâteau de Savoie / Raisins, Pêches, Nougats / Dragées Petits fours assortis / Chocolatas pralinés; Vins: Rouge Côtes de Setras / Blene Hermitage / Noir Côtes du Rhône / Champagne Mousseux; Café, Liqueurs.
[11] Raphaël: des raisins.
[12] Je ne veux pas.
[13] Malheurseusement notre humble foyer de St. Maurice ne dura pas longtemps. Le Groupe 160 ayant été dissous le 31 octobre 1942, nous dûmes nous retirer aux Salelles, un hameau de la même commune. Perseo et sa maman eurent à s´installer avec le ménage aragonais dans une porcherie...!; moi, dans une petite mansarde, glacée et obscure. Comme désormais je ne travaillais plus au Bureau du Groupe, mais dans le bois, comme le reste de mes compatriotes, je ne voyais l´enfant que de temps en temps. Pourtant lorsque je le visitais ou je le rencontrais par hasard, il m´appelait toujours affectueusement: Amuraci, Amuraci! Quand je n´allais pas au chantier, j´écrivais parfois dans le taudis de sa maman. Alors celle-ci demandait à l´enfant: Que fait Amuraci? Et Perseo répondait invariablement: “cribir a papa” (Ecrire à papa). Pauvre enfant!

Perseo


Francisco Maíllo Ramos y Adela Truyas Andreu,
padres de Perseo Maillo Truyas

A la Sra. Adela Maíllo.
Recuerdo de nuestro exilio en el municipio de Saint Maurice d´Ibie.
Con  toda mi simpatía

St. Maurice d´Ibie (Ardèche),
25 octubre 1942

Por: Manuel García Sesma

(Fitero, Navarra, 1902-1991)


- “Señora: para una mujer que va a ser mamá pronto, este maquillaje no le va... ¿Quiere usted lavarse, por favor...?
Y la Señorita Edith, la sonrisa en los labios, abre ella misma el grifo del servicio.
La interpelada, al principio un tanto sorprendida, un poco más turbada a continuación,  cogió maquinalmente el guante de baño, lo empapó de agua y se limpió inmediatamente su maquillaje. Era una refugiada alsaciana, algo  madura y  un poco más frívola y  coqueta: una de esas mujeres de la retirada de Mayo y Junio de 1940 de las que un miembro de la Academia Goncourt, René Benjamin, ha hecho el retrato un poco demasiado despiadado en su libro “Primavera Trágica”.
La Señorita Edith era justamente  el tipo opuesto: el tipo de mujer que se toma la vida en serio y no como una mascarada carnavalesca. Primero, no era francesa, sino suiza; una joven mujer puede que superando la treintena, pero llevándola con holgura: esbelta, delgada, morena, vestida con un uniforme a rayas azules y blancas, con un cuello blanco almidonado. Era  la comadrona del  establecimiento. Porque el lugar dónde esta escena se ha desarrollado era justamente una maternidad: la Maternidad suiza de Elne [1], sostenida por la Cruz Roja de la pequeña República.
Elne es un pueblo del departamento de los Pirineos Orientales, situado en los alrededores de los campos de concentración de St. Cyprien y d´Argelès-sur-Mer. Durante el éxodo de los republicanos españoles en Febrero de 1939, la Cruz Roja Suiza, sección de Socorro a los Niños, se había apresurado a abrir allí una Maternidad, para venir en ayuda  de las refugiadas españolas encinta y  de los niños recién nacidos.
Era entonces ministro del Interior un radical socialista y francmasón notorio: Don Albert Sarraut. Los campos dependían de su autoridad. Por otra parte, en esta época funcionaba ya en Francia la obra de la Santa Infancia, dirigida entonces por el Monseñor Merio. Pero ni la filantropía masónica ni la caridad católica tuvieron la ocurrencia de socorrer especialmente a nuestros infelices mujeres y niños. Naturalmente, ni una ni otra sospechaban tampoco entonces que, al año siguiente, muchas mujeres y niños franceses y pueblos aliados de Francia (Polonia, Bélgica y Holanda) se encontrarían en el mismo caso[2]. Felizmente, la Cruz Roja Suiza – que no miraba la nacionalidad ni la ideología, sino la desgracia – estaba ya allí; y en adelante la Maternidad Suiza de Elne abrió sus puertas no sólo a las futuras mamás españolas, sino  a las de cualquier otra nacionalidad, refugiadas en los campos.
Justo cuando la Señora Adela Maíllo entró allí, al final de Enero de 1941, había una austriaca, una rusa blanca, una judía francesa, una polaca, etc. No obstante, el  contingente más numeroso era siempre el de las españolas.
La Maternidad Suiza de Elne estaba situada a dos kms. del pueblo e instalada en el Castillo de Mirois, un viejo edificio de tres pisos, situado en medio de un jardín. Se disponía de 50 camas, distribuidas en varias  habitaciones que contenían de cuatro a ocho cada una. Estas habitaciones habían sido bautizadas casi todas con nombres de las principales ciudades españolas: Barcelona, Bilbao, Madrid, Santander, Sevilla y Zaragoza. Había otras con el nombre Suiza, Polonia, Marruecos[3] y Paris. Por lo tanto,  todos los niños nacidos en la Maternidad Suiza de Elne eran al principio marroquíes... Era una pequeña habitación blanqueada en blanco verdoso y dotada de una cama, una mesa, un lavabo y un armario conteniendo los utensilios de la comadrona. Por lo que era ahí principalmente el centro de actividades de la Señorita Edith. A veces esa actividad era verdaderamente angustiosa, pues los recién nacidos no querían esperar su turno, y más de una vez, aunque poco a menudo, se llegó a dar a luz sobre la única cama a dos madres juntas. Por suerte para la Sra. Adela Maíllo, Perseo fue desde el primer momento un niño prudente y llegó a este extraño mundo el 19 de Febrero de 1941, sin presionar descortésmente ni a su madre ni a su comadrona.
José Maíllo Ramos y Adela Trullas Andreu en Saint-Maurice d´Ibie


Perseo era un pequeño español, travieso y guapo, quién, veinte meses después, habría de hacer las delicias de los refugiados del municipio de Saint Maurice d´Ibie. Pero en el momento de presentarse en este planeta y de pedir una plaza para él, no era, como todos los recién nacidos, sino un pequeño mamífero rojizo y deforme, que pesaba 2´770 kg. Tan pronto como la Señorita Edith lo tuvo, lo mostró un instante a su madre, después lo limpió, lo envolvió y lo expidió a “Madrid”. ¡Qué cosa más rara! ¡Su mamá, catalana cien por cien, no protestó...![4]
Pues sí; “Madrid” era el redil, la habitación de las cunas de los recién nacidos: una habitación limpia y aseada, rebosante de cunas de mimbre y de inocentes bebés. Cuando Perseo se presentó, había tantos bebés que no había ni una plaza libre para él. Pero la Señorita Betty era espabilada que enseguida le encontró una provisional, en la cuna de otro pequeño español. Perseo permaneció allí tres días. A partir de entonces tendría su propia cuna.
La Señorita Betty, aunque maestra de "Madrid", no era madrileña ni española, sino suiza. Tenía sin embargo la gracia y el aspecto simpático de una joven muchacha de la Latina o de Chamberí[5].
Para empezar, hablaba perfectamente el español, como la Señorita Edith. Era una muñeca rubia, grande, frágil, bonita y alegre, de aproximadamente 21 años; en fin, el ángel guardián ideal para esta guardería madrileña.
Perseo pasó allí  las primeras 24 horas de su existencia sin moverse ni probar nada, como es de rigor en estos casos, sobre todo en tiempo de restricciones. Pero a partir del día siguiente, comenzó a viajar y  a devorar de una manera alarmante. Cada tres horas, iba de "Madrid" a "Zaragoza"; no en avión - Zaragoza dista de Madrid  algunos centenares de kilómetros -, sino en los brazos de Betty. En "Zaragoza" - la habitación donde se recuperaban las mujeres que habían dado a luz-, su madre lo amamantaba seis veces al día. Pero la pobre madre, tras las privaciones del campo, no estaba demasiado fuerte, mientras que Perseo mostraba una voracidad de lobo. Por lo que, tres semanas después, fue necesario reforzar con biberón la lactancia materna. Sin embargo incluso con este refuerzo, este pequeño Lucullus en bañador no se quedaba satisfecho. Siendo la ración normal de biberón de 120 gramos de leche, el pequeño Perseo tomaba siempre de 160 a 170 gr. ¡Bah! ¡Estaba en el país de Pantagruel!
Naturalmente, después de haberse atiborrado así, el niño dormía como un ángel. No molestaba  a la Señorita Betty más que a la hora de despertarse. Si hubiera sido mayor, habría sido necesario despertarlo más de una vez a bastonazos. Pero la guapa enfermera no dispensaba golpes, sino caricias. Gracias a este régimen, Perseo, 50 días después de su nacimiento, ya pesaba 3' 5 kilos.
Mientras tanto, su madre había dejado la cama y había ido de "Zaragoza" a "París". Después de dos años de estancia en Francia, valía la pena visitar su capital - debió pensar la Sra. Adela. ¡Incluso en marzo de 1941...!
Pues sí, el "París" de la Señorita Isabel no era precisamente el del General von Stülpnagel... Allí, como en toda la zona ocupada por la Maternidad Suiza, la autoridad no se imponía por la fuerza, sino por la dedicación y la dulzura. La Señorita Isabel, la directora de la sección, era una joven de unos 25 años, rubia, esbelta, hábil y simpática. Era también suiza, como sus dos colaboradoras, y hablaba correctamente el español; pero no llevaba uniforme.
Las normas de la dirección eran, para la disciplina, una firmeza fina; y para el régimen, el orden, el buen tratamiento y la tolerancia. Las tres señoritas suizas sabían imponerse siempre de la manera más categórica y más agradable. Por otro lado, el orden en la casa era total. No dejaba nada que desear. Cada lunes, la Señorita Isabel distribuía los servicios de la semana entre los refugiados que se encontraban en estado de asumirla. La higiene era perfecta; la comida adecuada y abundante; el respeto a las creencias absoluto. Se bautizaba a los niños cuyas madres lo pedían expresamente; pero ninguna presión a este respecto. Y por otra parte, nada de rezos colectivos ni de catequesis impertinentes[6].
Cuando la Sra. Maíllo tuvo que dejar la casa con su niño, el 11 de abril de 1941, fue con verdadero pesar y con un inmenso reconocimiento hacia estas tres suizas ejemplares. ¡Desgraciadamente! El panorama iba a cambiar completamente para ella y su niño. ¡Otra vez el campo de concentración con sus alambres de espinos, sus gendarmes, sus ratas, sus piojos, su escasez y su miseria...!
A pesar de todo, en el campo de Argelès había también una caricatura de Maternidad, instalada en la barraca B9 del campo de mujeres. Precisamente conocía muy bien esta clase de campamento de barracas por haber habitado el B14, durante los meses Julio y agosto de 1940, tras el armisticio francoalemán del 25 de junio. Pues bien, aquélla era una barraca como las otras, con la única diferencia de tener parqué, disponer de alumbrado eléctrico y estar dividida en tres compartimentos: uno para las madres, otro para los niños y el tercero para Nati, una joven española encargada de la dirección. Los bebés allí tenían pequeñas cunas de madera. Cada noche los bebés eran supervisados por dos madres que se relevaban a las dos horas de la mañana. Cuando la Sra. Maíllo se instaló con Perseo, había aproximadamente veinte niños y una docena de madres. La diferencia se explica porque casi la mitad de las madres tenía otros niños mayores, colocados en otras barracas y preferían dormir allí con éstos.
Durante el invierno, el compartimento de los niños tenía una estufa de carbón para calentarlos. Y eso era todo. Nada de agua ni de los medios de higiene infantil más elementales. Para limpiar a los niños, las madres tenían que ir a buscar agua en las cocinas del campo que, ciertamente, no se la proporcionaban siempre.
El régimen alimentario de las madres que amamantaban era exactamente el mismo que el del resto de los refugiados. A las siete de la mañana, café solo, pero bien mojado... Al mediodía, un plato de nabos solos o con alcachofas y un poco de mermelada o fruta. A veces se añadían una o dos sardinas saladas y un cuarto de vino; y una vez por semana aún se daba un pedazo de carne. En cuanto al pan, se distribuía diariamente un pan de un kg para tres personas, es decir, 333 gr. de pan para cada madre. Por supuesto, este kg. de pan no era siempre real, sino teórico. A las 18  horas, misma comida que al mediodía.
Para los niños, el racionamiento era similar. El Campo no hacía ninguna distinción con ellos. ¿Qué esperaban? La Comandancia del campo no estaba compuesta precisamente por profesores de Puericultura. Afortunadamente,  la Sección de Socorro a los  Niños de la Cruz Roja suiza seguía ayudando a los niños encerrados en los campos. Proporcionaba diariamente un litro de leche para cada lactante, y daba a los otros niños leche por la mañana y un bocadito a base de mermelada o queso por la tarde. Estos bocaditos también se distribuían cada día a las madres.
Cuando un niño caía enfermo, se le transfería al Hospital General del Campo. Si aún era lactante, se permitía a la madre instalarse con él. En caso contrario, la madre no podía verlo más que los días de visita, es decir, dos veces por semana, por la tarde. Por otra parte, cuando los niños se portaban bien, las madres necesitaban un permiso para sacar a sus bebés a tomar el sol entre los alambres de espinos. Así fue pues cómo Perseo y su madre vivieron en el campo de Argelès-sur-Mer alrededor de un mes. Afortunadamente el pobre bebé no se daba cuenta de nada.
Hacia mediados de mayo de 1941, como el resto de los niños de Argelès, se le transfirió al campo de Rivesaltes, situado también en los Pirineos Orientales. La transferencia tuvo una consecuencia trágica. Una cincuentena de niños sucumbieron en algunas semanas. Pero Perseo aguantó valientemente. Entonces, la Cruz Roja Suiza pidió y obtuvo la transferencia de los supervivientes más amenazados a su colonia infantil de Banyuls-sur-Mer. Perseo permaneció in situ.
Sin embargo este lugar no era muy cómodo. Para no variar demasiado, como Argelès más o menos. En primer lugar, la Sra. Maíllo fue instalada con su niño en el islote J, barraca 21. Luego, cuando Perseo alcanzó los seis meses, pasaron ambos a la barraca J15; seis meses después, a la barraca J29; y finalmente, cuando el bebé tuvo quince meses, a la barraca J33. Al mando del campo de Rivesaltes  no había ningún discípulo de Marie Montessori ni del doctor Variot; pero, finalmente, el trato era algo más razonable. Para empezar, el racionamiento de los niños era también en principio el mismo que el de los ancianos, pero con esta diferencia: ni vino ni  café, y solamente cien gramos de pan al día. En compensación, se daba medio litro de leche al día a cada niño a partir de un año.
Por otra parte, los auxilios de la Cruz Roja Suiza estaban allí perfectamente organizados. Se proporcionaba diariamente a los lactantes de hasta un año un litro de leche; de uno a tres años, una buena ración para dos comidas de arroz o bledine; de tres a seis años, solamente el arroz; y de seis a catorce años, leche y arroz o puré. El reparto estaba hecho regularmente por la sede Central de Auxilios a los Niños, residente en calle de Tarn,71 (Toulouse).
Por lo demás, la instalación de Rivesaltes era tan miserable como la de Argelès. Y, bajo algunos aspectos, aún más penosa. Así, por ejemplo, la barraca de los bebés tenía una estufa, como en Argelès; pero no se proporcionaba ni carbón ni madera para encenderla. Entonces las madres, para no dejar fallecer de frío a sus niños, se veían obligadas a ingeniárselas para encontrar combustible en el campo, lo que no era fácil y, además, daba a menudo lugar a detenciones. ¿Pero a qué no hará frente una madre para defender la vida de su niño...?
Los temores de la Comandancia del Campo tras la crisis de mortalidad infantil a principios del verano de 1941, les  inspiraron medidas un poco inhumanas. Por ejemplo, la de no permitir a una madre cohabitar con dos hijos de menos de tres años y la de prohibir a un niño visitar a su hermano pequeño, residente en la Maternidad del Campo. Pero finalmente estas medidas se derogaron, tras una inundación que pudo convertirse en una catástrofe.
Cuando un niño caía enfermo, se le transfería a la Enfermería General del Campo; pero no se permitía el acceso de la madre más que para amamantarlo, si era lactante. Aunque, naturalmente, podía verlo los días de visita, es decir, jueves y domingos. Afortunadamente para su madre, Perseo no tuvo nunca necesidad de ser trasladado a la Enfermería.
No obstante, uno se imagina fácilmente que la vida en estas condiciones no era muy agradable, y no se sorprenderá de que un bello día la Sra. Maillo finalmente había decidido dejar el campo con su hijo, en el plazo más corto posible. Era el mes de marzo de 1942. Perseo tenía más ya de un año y permanecía en el campo de Rivesaltes desde hacía diez meses. Su padre, que estaba enrolado en el 410 Grupo de Trabajadores extranjeros en Perpiñán, había sido obligado a volverse con éste a zona ocupada en julio de 1941. Trabajaba por lo tanto en St Malo, la pequeña patria de Chateaubriand y de Lamennais. Su hermano mayor, José, permanecía conmigo en el 160 G.T.E. en San Mauricio de Ibie (Ardèche). Un día José Mailló me dijo: "Querría traer aquí a mi cuñada y mi pequeño sobrino. Ya sabes, siguen en el campo de Rivesaltes y la vida allí no es bonita para ellos. Adela me comunica que con un contrato de trabajo, se le permitiría dejar el campo."
"Muy bien - le respondí. "Cuenta conmigo para hacer las gestiones necesarias."
Inmediatamente, visitamos al Sr. Arsac[7], el alcalde del municipio, y al Sr. Arrassipé, un ingeniero jubilado que se comprometió a tomar a la Sra. Adela Maíllo como costurera para su mujer y su hija.
 - Ya ves, está hecho - le dije a la salida. Antes de acabar este mes, tendrás aquí a tu cuñada y tu sobrino.
 ¡Pero... Maldición! No habíamos tenido en cuenta el espíritu de papeleo de la Administración francesa. ¿Puede creerse? Para enviar a Francisco Maíllo a trabajar en zona ocupada, una simple orden y dos días de viaje bastaron. ¡Por el contrario, para sacar a su mujer y a su hijo de un campo de concentración fueron necesarios siete meses de traslado de papelotes...!
         Pero por fin, un bonito día de octubre de 1942, aterrizaron ambos, de improvisto, en el municipio de San Mauricio de Ibie. Inmediatamente les instalamos como es debido en nuestro hotel de refugiados. Era un viejo tugurio del pueblo compuesto de dos partes: una habitación y una cocina. En la habitación dormíamos tres camaradas: dos catalanes y yo; en la cocina se había hecho un pequeño apartamento con dos coberturas y allí dormía una joven pareja aragonesa. Entonces, para colocar a la Sra. Maíllo y Perseo, se improvisó al lado, en la misma cocina, otro minúsculo compartimento con otras dos coberturas; y hete aquí nuestros dos huéspedes instalados "como es necesario..." Pero bueno,  en cualquier caso, aquí hubo un hogar de siete personas, en su mayor parte no unidas por vínculos familiares, llevando a pesar de todo con armonía una vida de familia, en dos docenas de metros cuadrados. Naturalmente, para hacer milagros similares era necesario ser antes un refugiado español.
         Por supuesto, el pequeño Perseo pasó a ser, desde el primer momento, la alegría de la casa. Era, ciertamente, una joya: guapo, gracioso, inquieto, travieso y cariñoso. En esta época tenía ya veinte meses y pesaba 12'800 kg Sus ojos eran azules; su cara, regordeta; su cabello, de rizos de oro. Saltaba como un cabrito, y parloteaba como un loro. Su jerga era pintoresca: una especie de esperanto particular. Figuráos: su madre catalana, como mis camaradas Mateu y Masip; la pareja aragonesa y yo hablábamos castellano; y en el pueblo el pequeño sólo oía el francés. Entonces nos saludaba: "Kapalel, uva [8]"; y decía a su tío negándose: "no vull[9]".
            Por otra parte, ¿No había nacido de padres españoles en una región francesa, en una maternidad suiza y en una habitación marroquí...? ¡El colmo Dios mío, el colmo!
Como todos los niños de su edad, rompía todo lo que encontraba a mano y se divertía ruidosamente con todo y con todos. Por las tardes, me gustaba ponerlo a menudo sobre mis rodillas y jugar alegremente con él. El pobre niño apenas tenía juguetes para divertirse; sin embargo encontró uno estupendo: un gato. Teníamos un pequeño gato, dulce y paciente, para cazar a los ratones. Y bien, Perseo la tomó con él desde el primer día, y  la cola del pobre animal siempre estaba tensada entre sus manos, como la cuerda de un arco.
Como Perseo entraba entonces en el período de la imitación, comenzó muy temprano las prácticas de los hombres: a fumar, a gastar el dinero y a enamorarse... Un día, Masip habiéndole puesto entre los labios, para divertirse, un cigarrillo no encendido – quede claro -, el pillo de Perseo se puso a gesticular como un fumador.
Comenzó también a gastar el dinero de su madre de la manera más alarmante. ¿Saben cómo? Rasgando todos los billetes que encontraba al alcance de su mano. Billete cogido, billete despedazado. Por supuesto, entonces  ignoraba completamente la existencia y las devastaciones de la inflación; pero tenía, se ve, la intuición que todos estos papeles, sucios y feos, sólo serían buenos, a corto plazo, para encender el fuego...
El enamoramiento del pequeño Perseo fue algo más sorprendente. ¡Asombráros! ¡Se enamoró de la Sra. Geneviève Guitry...! Sin bromas. Desde hacía algunos meses, tenía sobre mi cabecera un gran retrato de la tercera mujer de Sacha. Lo había recortado de la revista "7 días" y lo había enganchado en la pared de mi habitación. Pues bien, Perseo se enamoró de la carita de la guapa Geneviève y subiendo de vez en cuando sobre mi jergón, se ponía a abrazarlo amorosamente. ¡Diablo de niño! [10]
La sombra benefactora  de la Cruz Roja Suiza siguió protegiéndolo incluso en la aldea de los Salelles. En Ginebra, la cuna del autor del "Emile", Perseo tenía algunas madrinas misteriosas: Srtas. Berney, que vivían en el número 18 de la calle Dassier. Eran hadas buenas que no lo conocían. Y bien, razón de más para reconocer su beneficencia y su desinterés.
¡Bendito país este pequeño país de Suiza en el que las mujeres se preocupaban generosamente en salvar la vida de los niños desafortunados del Continente, mientras que los otros se atacaban entonces con ferocidad para  destruir la civilización y la humanidad...!










[1] La maternitat d´Elna, bressol dels exiliats, de Assumpta Montellà i Carlos. Editorial Ara Llibres.
[2] Sería sin embargo injusto silenciar los auxilios prodigados en los primeros momentos por los partidos obreros franceses y sobre todo por los institutores e institutrices del Sindicato Nacional.
[3] Se ha respetado la ortografía española de todos estos nombres.
[4] Entre catalanes y castellanos había a menudo un poco de desacuerdo.
[5] Barrio popular de Madrid.
[6] Era el mismo espíritu de Adèle Kamm - una pequeña santa protestante de Lausana - respecto a sus mariquitas. Las suizas saben ser, como ninguna otra mujer de Europa, profundamente religiosas y escrupulosamente tolerantes.
[7] Era el alcalde de Saint Maurice. Menú de bodas de Robert Arzac, hijo del Sr. Alcalde de Saint Maurice, celebradas en Vogüe, 8 de septiembre de 1942, en presencia de 100 huéspedes: Entremeses variados (Melón congelado Oporto/Jamón del país, aceitunas y mantequilla/Menestra de verduras; Entrantes: Cabeza de ternera salsa real/Bocaditos de la reina/Truchas salmonnadas meunière/Encebollado de liebre San Huberto/Judías verdes a la inglesa. Asados: Gansos asado/Pollos de grano/Piernas de presele/Ensalada temporada, Postres combinados: Helado en molde Paulette/Tarta de Saboya/Uvas, Melocotones, Turrones/Píldoras Pequeñas combinados al horno /Chocolatés pralinés; Vinos: Rojo Costas de Setras/Blene Hermitage/Negro Costas del Ródano/Champagne Espumoso; Café, Licores.
[8] Raphaël: des raisins.
[9] No quiero.
[10] Desgraciadamente nuestro humilde hogar de Saint Maurice no duró mucho tiempo. Siendo disuelto el Grupo 160 el 31 de octubre de 1942, debimos  retirarnos a las Salelles, una aldea del mismo municipio. Perseo y su madre tuvieron que instalarse con la pareja  aragonesa en una pocilga...!; yo, en una pequeña buhardilla, fría y  oscura. Como desde entonces ya no trabajaba en la Oficina del Grupo, sino en el bosque, como el resto de mis compatriotas, sólo veía al niño de vez en cuando. Aún así,  cuando lo visitaba o lo encontraba por casualidad, me llamaba siempre afectuosamente: ¡Amuraci, Amuraci! Cuando no iba a la cantera, escribía a veces en el tugurio de su madre. Entonces ésta pedía al niño: ¿Qué hace Amuraci? Y Perseo respondía invariablemente: "cribir a papa " (escribir a papá). ¡Pobre niño!

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